Ceux qui attendaient ou qui promettaient le sommet du changement en seront pour leurs frais. Le G20 de Washington ne devrait déboucher sur aucune réforme concrète du système financier international. Rien, pas même la présence d’un orteil de Barack Obama. Le nouveau président, élu mais pas encore en fonction, n’est pas suffisament suicidaire pour risquer d’altérer son image en cautionnant par sa présence une rencontre destinée à être marquée par l’immobilisme. Georges Bush, au mandat calamiteux de bout en bout, fidéle à son image, a donné le ton en indiquant une ligne de conduite stricte : « la réponse (à la crise) n’est pas de réinventer le système ».
D’un coup d’aile dont il a le secret, le moulin à vent du capitalisme a envoyé dans les étoiles les don quichotte qui parlaient de le réformer. Au premier rang d’entre eux, Nicolas Sarkozy qui a sous sa double casquette de président de la France et du conseil Européen quasi imposé le sommet à des homologues déboussolés par les menaces d’effondrement du système financier.
Le président de la République qui évoquait la larme à l’oeil « une refondation du capitalisme » devra mettre de l’eau dans son vin. Le volontarisme, les rodomontades ont leurs limites. En signe de bonne volonté la puissance invitante américaine a bien voulu élargir le club des riches à quelques puissances émergentes quitte à froisser la fierté ibérique en refusant la présence espagnole malgré son rang de 8ème puissance économique mondiale. Il est vrai que le cow-boy de la maison blanche n’est plus à une boulette près.
Yes we can’t. Pas de réforme mais la mise en œuvre éventuelle de cinq mesures techniques en gage d’os à ronger: la mise en place de règles de surveillance dans l’ensemble des territoires (paradis fiscaux inclus), de nouveaux règlements pour les agences de notation, une convergence internationale des règles comptables, un « code de conduite » pour les rémunérations des acteurs du marché, ainsi qu’un rôle accru du FMI pour opérer la surveillance des marchés.
Faute de dispositions concrètes on se satisferait d’un message politique partagé évoquant un changement de paradigme. Mais, là non plus, ce n’est pas gagné. Les Etats-Unis sont résolument contre et ils ne sont pas isolés. Ils peuvent compter sur le soutien du Canada adepte d’un libre-échange total et, plus surprenant de la Chine, qui ne croit pas en une refonte du système financier. Dominique Strauss-Kahn, qui vient de sauver de justesse sa tête de patron du FMI fait preuve d’une surprenante timidité: « Les choses ne vont pas changer du jour au lendemain. On a mis deux ans à préparer Bretton Woods. Beaucoup de gens parlent d’un Bretton Woods 2, mais nous n’allons pas créer un nouveau traité international. » Un message qui sonne comme une réponse à la déclaration du président russe Dmitri Medvedev qui a justement appelé jeudi les dirigeants du G20 à jeter les bases d’un nouveau Bretton-Woods.
Dans ce contexte, Nicolas Sarkozy monte en pression tout seul et menace ses homologues : « C’est très clair. Si je n’obtiens pas des résultats concrets, je m’en vais. Je quitte Washington et je rentre chez moi… ». Un remake, version Carla, du célébre “Liliane fais les valises” du défunt Georges Marchais. Le capitalisme spéculatif qu’on disait hier menacé se voit aujourd’hui promis à un avenir radieux. Tant pis pour le capitalisme productif, l’économie réelle, les hommes et les femmes qui lui donnent corps. Pour eux une seule chose est sûre, la crise ne sera pas virtuelle. La grande faucheuse des emplois et des entreprises est déjà au travail.