Le conflit actuel entre catholiques et communistes porte sur des terrains et des bâtiments confisqués par le Viet Minh en 1954. Aujourd'hui, 350 000 catholiques fréquentent assidûment les églises à Hanoï, et 550 000 autres à Haiphong. Mgr Joseph Nguyen Chi Linh, évêque de Than Hoa, explique :
«Dans le passé, nous n'avions pas la possibilité d'évangéliser les païens ; désormais nos séminaires sont absolument pleins. Notre Église est l'unique communauté au sein du peuple qui ose élever la voix. Seuls les catholiques osent manifester publiquement !»
Dans ce système où une administration de type soviétique s'accommode fort bien d'un protocapitalisme, l'Église a demandé à retrouver ses propriétés confisquées. Il y en a des milliers dans le pays. Un diplomate anglo-saxon précise :
«Les vieux chrétiens soutiennent l'Église dans cette bataille, car la restitution des propriétés de l'Église créerait un précédent, le Parti communiste serait obligé de rendre des myriades de biens à leurs anciens propriétaires».
Le Parti ne cède donc rien, mais il n'en est pas pour autant en position de force. Le curé de la cathédrale baptise 9 000 enfants par an, tant l'Église attire des jeunes couples, tant elle est devenue populaire. Dans un paysage d'après-communisme sans lois ni droits, l'Église distribue aux pauvres, elle tance les puissants, elle fait figure de refuge. Le delta du Mékong est le théâtre le plus spectaculaire de ce renouveau de la foi : de petites villes y bâtissent d'immenses cathédrales. À Hanoï, il suffit que l'archevêque place la statue de la Vierge Marie derrière une grille pour que des foules viennent s'y presser. Rien de surprenant donc à ce que les catholiques sèment une belle zizanie jusqu'au sein même du Parti communiste. La cause est entendue : l'Église défend les droits des petites gens ; le Parti, les privilèges des corrompus. Tous les évêques rencontrés se signalent par une liberté de ton absolue vis-à-vis du pouvoir, comme si ce dernier avait perdu de sa capacité de nuisance.
Ce Parti est entré dans l'une de ses dernières convulsions, puisque les communistes vietnamiens conservateurs sont obligés aujourd'hui de s'appuyer sur leurs camarades chinois pour l'emporter sur le clan des réformistes. Le premier ministre, qui avait rencontré le pape Benoît XVI à Rome l'an dernier, est affaibli par ces réactionnaires.