Le Coran, texte sacré de l’islam, entérine l’existence de l’esclavage. La charia, qui s’appuie sur le Coran et les dits de Mahomet (hadiths), autorise la réduction en esclavage de quiconque n’est pas musulman (si un esclave vient à se convertir, il n’est pas affranchi pour autant).
Après la mort de Mahomet et la soumission de la péninsule arabique, les Arabes conquièrent les rives méridionales et orientales de la Méditerranée. Multipliant les prises de guerre, ils prolongent dans ces régions l’esclavage à la mode antique. Ils inaugurent aussi une longue et douloureuse traite négrière qui va saigner l’Afrique noire jusqu’à la fin du XIXe siècle.
Les arabo-musulmans s’abstiennent de réduire en esclavage leurs coreligionnaires mais cette règle souffre de nombreuses transgressions et l’on ne rechigne pas à asservir des musulmans, notamment noirs, au prétexte que leur conversion est récente.
L’esclavage devient rapidement l’un des piliers de l’économie de l’empire abasside de Bagdad. Les harems du calife et des notables de Bagdad se remplissent de femmes originaires du Caucase réputées pour leur beauté. Ces belles esclaves ont continué jusqu’au XXe siècle d’alimenter les harems orientaux en concurrence avec les beautés noires originaires d’Éthiopie.
Pour les tâches domestiques et les travaux des ateliers et des champs, les sujets du calife recourent à d’innombrables esclaves en provenance des pays slaves, de l’Europe méditerranéenne et surtout d’Afrique noire. Ces esclaves sont maltraités et souvent mutilés et castrés.
D’autres esclaves et eunuques sont employés comme soldats et chefs de guerre par les différentes dynasties musulmanes, du Maroc aux Indes.
Dans les premiers temps de l’islam, les notables de Bagdad s’approvisionnent en esclaves blancs auprès des tribus guerrières du Caucase mais aussi auprès des marchands vénitiens qui leur vendent des prisonniers en provenance des pays slaves, encore païens.
En Europe orientale et dans les Balkans, pendant la même période, les Ottomans prélèvent environ trois millions d’esclaves. Mais l’expansion européenne, à partir de la fin du XVIIIe siècle, met fin à ces razzias.
Si la traite des esclaves blancs a rapidement buté sur la résistance des Européens, il n’en a pas été de même du trafic d’esclaves noirs en provenance du continent africain.
La traite arabe commence en 652, lorsque le général arabe Abdallah ben Sayd impose aux Nubiens (habitants de la vallée supérieure du Nil) la livraison de 360 esclaves par an. Les spécialistes évaluent de 12 à 18 millions d’individus le nombre d’Africains victimes de la traite arabe au cours du dernier millénaire, du VIIe au XXe siècle, soit à peu près autant que la traite européenne à travers l’océan Atlantique, du XVIe siècle au XIXe siècle.
Le trafic suit d’abord les routes transsahariennes. Des caravanes vendent à Tombouctou par exemple des chevaux, du sel et des produits manufacturés. Elles en repartent l’année suivante avec de l’or, de l’ivoire, de l’ébène et... des esclaves. Au XIXe siècle se développe aussi la traite maritime entre le port de Zanzibar (aujourd’hui en Tanzanie) et les côtes de la mer Rouge et du Golfe persique.
Le sort de ces esclaves, razziés par les chefs noirs à la solde des marchands arabes, est dramatique. Après l’éprouvant voyage à travers le désert, les mâles sont systématiquement castrés avant leur mise sur le marché, au prix d’une mortalité effrayante, ce qui fait dire à l’anthropologue et économiste Tidiane N’Diyae : "Le douloureux chapitre de la déportation des Africains en terre d’islam est comparable à un génocide. Cette déportation ne s’est pas seulement limitée à la privation de liberté et au travail forcé. Elle fut aussi – et dans une large mesure - une véritable entreprise programmée de ce que l’on pourrait qualifier d’extinction ethnique par castration".
Le mépris des Noirs a perduré au fil des siècles. Ainsi peut-on lire sous la plume de l’historien Ibn Khaldoun (1332-1406) : "Les seuls peuples à accepter l’esclavage sont les Nègres, en raison d’un degré inférieur d’humanité, leur place étant plus proche du stade animal".
"Comparé à la traite des Noirs organisée par les Européens, le trafic d’esclaves du monde musulman a démarré plus tôt, a duré plus longtemps et, ce qui est plus important, a touché un plus grand nombre d’esclaves", écrit en résumé l’économiste Paul Bairoch. Cet auteur ainsi que Tidiane N’Diaye rappellent qu’il ne reste pratiquement plus trace des esclaves noirs en terre d’islam en raison de la généralisation de la castration, des mauvais traitements et d’une très forte mortalité, alors que leurs descendants sont au nombre d’environ 70 millions sur le continent américain.
Notons le parallèle avec les États arabes du Golfe Persique qui recourent massivement à des travailleurs étrangers tout en empêchant ceux-ci de faire souche sur place... à la différence des pays occidentaux.
Dès les premiers temps de l’islam, des caravaniers arabes ont puisé dans le vivier de nombreux esclaves en vue de les revendre au Moyen-Orient. Des chefs noirs se sont mis à leur service pour guerroyer contre leurs voisins et les fournir en prisonniers.
Il s’en est ensuivi un trafic de 5.000 à 10.000 esclaves par an en direction des pays musulmans. En témoignage de ce trafic, le mot arabe abd qui désigne un serviteur ou un esclave, est devenu synonyme de Noir.
Au XIXe siècle, des musulmans de confession chiite en provenance du Golfe persique se sont établis sur une île de l’Océan indien proche du littoral africain.
Ils l’ont appelé Zanzibar (de Zenj et bahr, deux mots arabes qui signifient littoral des Noirs) et y ont créé de fructueuses plantations de girofliers sur lesquelles travaillaient des esclaves noirs du continent.
Les conditions de travail y étaient épouvantables : "La mortalité était très élevée, ce qui signifie que 15 à 20% des esclaves de Zanzibar (soit entre 9.000 et 12.000 individus) devaient être remplacés chaque année", écrit Catherine Coquery-Vidrovitch.
Très vite, Zanzibar est devenu un important marché d’exportation d’esclaves à destination du Golfe arabo-persique. Les comptes précis tenus par l’administration du sultan ont permis d’évaluer à plus de 700.000 le nombre d’esclaves qui ont transité par l’île entre 1830 et 1872.
Aujourd’hui encore, les habitants noirs de Zanzibar conservent un statut de quasi-esclave.
Source du texte : KABYLES.NET