Séraphine Louis, la peinture jusqu'à la folie

Par Titus @TitusFR
Malgré un budget serré, le dernier long-métrage de Martin Provost, "Séraphine", est en train de réaliser un fort joli parcours dans les salles obscures, aussi bien en France qu'à l'étranger. Le réalisateur était de passage au cinéma Le Bretagne, à Saint-Renan, mercredi, pour présenter son film. Un joli cadeau pour cette salle de cinéma associative qui l'avait déjà reçu au tout début de sa carrière de cinéaste et qui célèbre, cette semaine, son dixième anniversaire.

Martin Provost ne semble toujours pas lui-même en revenir. Le succès de "Séraphine" le dépasserait presque. Alors que son précédent film, sur lequel il travaillait depuis deux ans, n'avait pu aboutir, faute de financement, voilà qu'il tombe, un peu par hasard, sur l'histoire de Séraphine Louis, aussi appelée Séraphine de Senlis, dont il n'avait jamais jusqu'ici entendu parler. D'emblée, il perçoit ce qu'il pourrait en tirer d'un point de vue cinématographique. Il est vrai que le parcours de Séraphine, cette femme de ménage habitée par sa passion pour la peinture, ne manque pas de sel. Découverte par le critique et marchand d'art allemand Wilhelm Uhde (déjà découvreur, entre autres, du Douanier Rousseau), qui résidait dans l'une des maisons bourgeoises de Senlis où elle effectuait le ménage, le talent de cette géniale autodidacte finira en effet par être reconnu dans le monde entier.
Yolande Moreau n'a pas hésité
S'appuyant sur les quelques biographies disponibles sur la peintre naïve née en 1864, et sur les journaux intimes tenus par Wilhelm Uhde, Martin Provost restitue minutieusement l'existence de celle qui finit par sombrer dans la folie et qui fut d'ailleurs internée à l'hôpital psychiatrique de Clermont à partir de 1932. Pour interpréter Séraphine, il a immédiatement songé à la comédienne belge Yolande Moreau, révélée dans "Sans toit ni loi" d'Agnès Varda ou les Deschiens (ce fut aussi la concierge d'Amélie Poulain). "Il se trouve que Yolande vit aussi près de Vernon, à trois kilomètres de chez moi", raconte Martin Provost; "je suis allé lui lire l'histoire de Séraphine. Je lui ai apporté tout ce que j'avais collecté. Je me souviens que nous étions assis dans son jardin. Elle a tout de suite été fascinée par cette histoire et n'a pas hésité un instant. Et le plus drôle, c'est que lorsque je lui ai montré des vieilles photos de Séraphine, elle s'est écriée : "Ce n'est pas flatteur, mais c'est tout à fait moi". Il est vrai que la ressemblance avec Séraphine était frappante !".
Le Vexin luxuriant
Touchante et troublante d'un bout à l'autre, Yolande Moreau incarne le personnage avec une infinie justesse. Bonne à tout faire le jour, Séraphine passait toutes ses nuits, comme habitée, à peindre à la bougie, inlassablement. N'ayant jamais reçu le moindre enseignement, elle avait appris à fabriquer, à partir d'ingrédients naturels, les couleurs vives dont elle se servirait pour peindre fleurs et fruits comme jamais personne n'avait osé le faire, mis à part peut-être Van Gogh. Tourné à Senlis et dans la campagne luxuriante du Vexin normand, le film a la beauté lustrée d'un film de James Ivory, avec ses tableaux d'époque somptueux, à l'image de cette splendide scène au lavoir, un régal.
Une exposition au musée Maillol
Le succès du film a un autre corollaire. Le musée Maillol, à Paris, où sont exposées certaines des plus belles oeuvres de Séraphine, ne désemplit plus. Une exposition lui est consacrée jusqu'au 5 janvier 2009. "Il faut les avoir devant soi pour réaliser toute la puissance de ces toiles", lance Martin Provost, en qui Séraphine a trouvé, comme Wilhelm Uhde autrefois, un avocat particulièrement convaincant.

La bande annonce du film de Martin Provost :
POUR EN SAVOIR PLUS :
Le site officiel du film Séraphine.
Le site du musée Maillol.