Depuis son lancement au mois de juin dernier, l'iPhone App Store connaît un succès exceptionnel. Steve Jobs lui-même, surpris dirait-on, semble prudent en évoquant un business à un milliard de dollars.
Si l'ampleur de ce succès n'était guère prévisible, Apple n'a laissé au hasard aucun des éléments qui pouvaient le provoquer.
Tout d'abord, l'iPhone App Store en deux mots. Des programmeurs sont invités à développer des applications que les possesseurs d'iPhone peuvent télécharger via iTunes. Le développeur décide du prix de ses applications, qui peuvent même être gratuites.
Le modèle économique est simple. Les développeurs, après s'être acquittés d'un droit d'entrée auprès d'Apple, perçoivent 70% du revenu des ventes de leurs applications. Les possesseurs d'iPhone payent à l'acte (buy and download).Comment Apple protège-t-il ce business ? Il y a d'abord l'engagement légal que prend le développeur vis à vis d'Apple. Par là, il ne souscrit pas seulement à un accord de confidentialité : il dégage la firme de Cupertino se dégage de toute responsabilité en cas de défaillance du service, l'autorise à l'exclure immédiatement et sans motif et enfin lui consent le droit de développer et d'exploiter une application concurrente. Outre la protection juridique, il y a la technique : du kit de programmation à l'iPhone, tout est propriétaire ! Enfin, plus subtilement, Apple influence la pertinence des applications par le droit d'entrée de 99$. Cela freine l'émergence d'applications stériles comme il y en a tant dans Facebook. Et si cela ne suffit pas, il y a toujours le fait du prince…
Essayons maintenant de dégager les facteurs clés de ce succès. D'abord, il ne s'est pas construit dans le vide. Apple a repris le modèle iPod + iTunes en l'adaptant à l'iPhone : au lieu d'acquérir des morceaux de musique, l'on acquiert des logiciels. Elle l'a également stimulé en s'associant à un capital-risqueur pour constituer un fond d'investissement de 100 millions de dollars.
De plus, Apple a remarquablement identifié les besoins des acteurs et tissé des liens d'intérêt réciproques. Elle capitalise d'une part sur la passion des possesseurs d'iPhone pour leur terminal polyvalent, d'autre part sur le désir des programmeurs d'être largement distribués, rémunérés ou reconnus.
Ces liens sont ensuite habilement renforcés. C'est ici qu'on retrouve l'excellence ergonomique de la firme. Le possesseur d'un iPhone dispose de plusieurs façons d'accéder à une application qu'il peut l'acheter en un clic. De son côté, le programmeur ne s'occupe que du développement du produit, pour lequel il dispose d'un kit, de ressources et d'un banc de test, et de son prix : Apple prend en charge les deux autres dimensions du mix marketing, promotion et distribution. La facilité d'usage développe l'usage.
L'autre facteur est l'intelligence économique du système. Le rôle de la gratuité est bien défini (comme celui du MP3 pour l'iPod) : développer l'audience et l'usage, de la boutique comme de l'iPhone. Ainsi, côté développeur, cela ouvre la porte à une politique de marque d'ampleur significative. Et la politique de prix "sanctionne" qui ne favorise pas cette dynamique : le droit d'entrée passe à 299$ pour qui refuse d'être distribué dans l'App Store.
Bien sûr, il y a des points noirs comme une politique de sélection et "d'expulsion" d'applications opaque, les écarts de niveau des applications au plan ergonomique ou de récents problèmes de sécurité. Cependant, cela ne freine pas ce succès… commercial.Car oui, si choquant que cela puisse paraître, la plateforme d'Apple n'est pas gratuite et La Pomme va jusqu'à ponctionner clients comme développeurs. Pire même, elle conserve pendant un mois l'argent dû à ces derniers : jusqu'à mois de besoin en fond de roulement négatif ! Pourquoi se laissent-ils faire ainsi ? Y trouveraient-ils leur compte ?
En vérité, on ne peut qu'admirer comme Steve Jobs accomode de vieilles recettes à la pomme - système propriétaire et fermé, excellence ergonomique et esthétique, hype - au goût du jour : gratuité, plateforme Web, etc.