Alors que la Chine prépare activement son prochain vol spatial habité, il semblerait qu’un futur rover lunaire soit également sur les rangs. Peut-on envisager de parler d’une future mission habitée par la Chine ?
Alors que la NASA est actuellement en pleine période de doutes, la Chine s’apprêterait à lancer un véhicule lunaire motorisé et automatisé qui pourrait parcourir la surface de notre satellite d’ici 2012. Rappelons que depuis un an, la Chine dispose déjà de sa première sonde avec Chang’e-1 qui tourne depuis un an autour de notre satellite. L’étape suivante consisterait donc en la dépose de ce véhicule. A ce titre, Ju Hehua, professeur assistant à l’Université des Technologies de Beijing a indiqué via l’agence Chine Nouvelle que son pays souhaite lancer un appel d’offres qui interviendra en décembre pour ce premier véhicule lunaire. Selon l’agence de presse, une douzaine d’instituts de recherche se disent intéressés par le contrat dont la valeur est estimée à un milliard de yuans (147 millions de dollars). Ce rover est la seconde phase d’exploration du programme Chang’e dont l’équipe du scientifique aurait terminé l’étude du système de guidage, de navigation et de contrôle dont le futur véhicule doit être doté afin de pouvoir évoluer sur la surface de la Lune. Une première étape avant l’homme sur la Lune ?
Triple rendez-vous dans l'espace
La CZ2-F dans son bâtiment d'assemblage, actuel lanceur du ShenzouAujourd’hui, avec l’EVA réussie de Zhaï Zhigang, la Chine démontre qu’elle a un potentiel indiscutable pour que ses hommes effectuent de longs travaux dans l’espace. Et avec un triple rendez-vous orbital en 2011, la prochaine mission habitée du programme Shenzou s’annonce tout à fait ambitieuse. En effet, afin de pouvoir réaliser sa propre station, la Chine doit pouvoir réaliser des accostages autour de la Terre. Pour 2011, la Chine prépare sa quatrième mission habitée qui doit lui permettre d’acquérir la maîtrise des rendez-vous habités. Pour se faire, un petit laboratoire baptisé Tiangong-1 sera placé sur orbite. De forme cylindrique, il disposera de deux ports d’amarrage. Il sera rejoint en automatique par Shenzou 9 (rempli d’expériences et pouvant, si besoin, servir de véhicule de secours pour les taïkonautes). Ensuite, Shenzou 10 devrait aborder l’ensemble pour un rendez-vous avec un équipage à bord. Cette mission pourra intervenir dans trois ans. Il est intéressant de noter que les différents éléments de ce premier complexe spatial chinois vont être mis orbite par une nouvelle fusée ; la CZ-2F/G qui possède une capacité de charge utile accrue par rapport à la CZ-2F (11,2 tonnes d’après certaines sources mais cela reste encore à confirmer). Pour le lancement du Tiangong-1, la tour de sauvetage sera retirée et la fusée présente également un diamètre supérieur à celui de la CZ-2F. Voilà pour la première étape de ce qui préfigure vraisemblablement la future station spatiale chinoise car avec le futur lanceur lourd CZ-5, ce sont des modules de vingt-cinq tonnes qui pourront être mis en orbite. Il est donc encore trop tôt pour parler d’une quelconque mission habitée sur la Lune qui pourrait décoller de la Chine. Cette fusée devrait, en principe, être opérationnelle à partir de 2014.
En 2011, la Chine doit amarrer Shenzou et un module orbitalSpéculation et possibilité
Il convient d’être particulièrement prudent lorsqu'on aborde le thème de la mission humaine vers la Lune car les officiels chinois n’ont avancé aucune date sur ce point. Cependant, il semble acquis que la Chine enverra des hommes vers notre satellite d’ici la fin de la prochaine décennie. Aussi, comment pourrait procéder la Chine pour réaliser un futur train lunaire ? La première base de comparaison que nous ayons est bien entendu la fusée géante Saturn V du programme Apollo, capable d’expédier 140 tonnes en orbite basse autour de la Terre. Ce qui comportait l’étage supérieur SIV-B, le module lunaire et l’ensemble CSM*. Une seule fusée servait pour tout envoyer vers notre satellite. Avec Ares I et avec Ares V, les Etats-Unis vont donc utiliser deux lanceurs dans le cadre du programme Constellation. Avec la CZ-5, la Chine sera obligée de réaliser un lancement modulaire comme pour sa future station qui pourrait voir le jour d’ici les dix prochaines années. Mais serait-il possible que la Chine décide d’assembler directement son train lunaire sans passer par la case « station spatiale »? Cette option peut paraître irréaliste mais c’est une possibilité que l’on ne peut pas écarter. Justement parce que la Lune est son objectif à long terme et pas forcément pour y faire atterrir un ou deux hommes car les paramètres d’un alunissage sont extrêmement précis et n’ont été à ce jour réalisés que par six équipages. Il serait plus réaliste de penser que d’ici quelques années, plus vraisemblablement vers la fin de la prochaine décennie, la Chine envoie son premier équipage pour un voyage en circumlunaire à des fins scientifiques et dont la portée serait bien sur hautement politique. Envoyer un équipage orbiter autour de la Lune est un gage de suprématie politique et technologique que les Etats-Unis avaient parfaitement intégré en 1968. Nos parents se souviennent encore probablement des vœux d’Apollo 8 au soir de Noël 1968…
Une suprématie désormais contestée ?
Ainsi, plusieurs éléments pourraient donc jouer en faveur d’un potentiel vol circumlunaire chinois. En 2007, le journaliste Philippe Coué rapporte dans son ouvrage La Chine veut la Lune, une information plutôt étonnante : le système de navigation d’Apollo 8 a fait l’objet d’un article en 2003 dans le journal chinois Missiles and Spaces Vehicles. Plus récemment, l’Administrateur de la NASA Mike Griffin a laissé entendre, dans une interview livrée au mensuel Ciel et Espace d’octobre 2008, que la Chine avait les moyens techniques et humains d’arriver sur la Lune avant les Etats-Unis. Des propos qu’il avait précédemment tenus dans une interview accordée à la BBC.
Bien qu’il soit encore trop tôt pour évoquer une quelconque avance de la Chine, la NASA étudie quand même depuis janvier 2007 un lanceur intermédiaire entre l’Ares I et l’Ares V : l’Ares IV. Il comporterait l’étage inférieur de la fusée Ares V et de l’étage supérieur de l’Ares I. La capacité de cette fusée serait de 41 tonnes en orbite basse (LEO). Toutefois, rien n’est encore décidé quant au devenir de ce lanceur et la NASA a décidé de le garder « pour plus tard ».
La possibilité d’un vol habité Chinois autour de la Lune est donc probable même si pour le moment rien n’est encore amorcé. Si un Shenzou suivait un vol sur un mode type « Apollo 8 », il ne risquerait rien car il accomplirait une sorte de huit à l’échelle interplanétaire et se placerait automatiquement sur une trajectoire de retour vers la Terre.
Maintenant de quoi aurait besoin la Chine pour une mission de ce type ? Dans un premier temps, maîtriser le rendez-vous orbital. Les éléments nécessaires à la construction du train lunaire peuvent ensuite aisément être acheminés à l’orbite via la fusée CZ-5. Et c’est justement là que la maîtrise du rendez-vous automatique prend toute sa signification avec l’essai de rendez-vous entre le Tiangong-1 et le Shenzou 9 car ce type de mission pourra être répété en vue d’un possible assemblage d’un train lunaire d’ici une dizaine d’années.
Ainsi, prenons un instant pour hypothèse l’assemblage d’un train lunaire à partir d’au moins deux tirs de fusées CZ-5 en orbite terrestre dans une configuration de vingt-cinq tonnes par lancement en LEO.
- Un premier lancement est effectué pour envoyer sur orbite l’étage d’insertion lunaire.
- Un second tir de CZ-5 a lieu avec le Shenzou équipé de l’étage de retour.
Une fois l’assemblage orbital du train, l’injection sur une trajectoire lunaire est réalisé. Après s’est libéré de l’attraction terrestre, l’étage d’insertion est largué à l’instar du vaisseau Apollo 8 et le train se met ensuite en orbite pour une série d’observations. Ensuite, le vaisseau entame son voyage de retour avec son étage de retour qu’il largue pour le retour.
Bref, la Chine pourrait ainsi être à même de devancer les Etats-Unis d’ici une d’ici une dizaine d’années (sans compter les inévitables retards inhérents à un programme spatial), ou de faire jeu égal mais au jeu des prédictions qui peut réellement dire qui sera le premier à franchir la ligne d’arrivée dans cette course ?
Antoine Meunier
Sources : www.xinhuanet.com/ www.flashespace.com/www.reuters.com/ www.sinodefence.com / www.wikimedia.org / www.capcomespace.net
A la conquête de la Lune, Jacques Villain (1999, éditions Larousse)
La Chine veut la Lune, Philippe Coué (2007, A2C Médias)
A la recherche d’une vie sur Mars, Albert Ducrocq (1976, Flammarion)
Photos :China TV
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* CSM : Command and Service Module : Module de commande et de service ( les deux parties du vaisseau Apollo)
© Antoine Meunier 2008