à la Tate Modern à Londres, jusqu’au 9 Septembre.
Je ne suis pas un fanatique de Salvador Dali mais, même pour moi, cette exposition, beaucoup plus large que son titre (Dali et le cinéma), offre des oeuvres de qualité et une perspective intéressante. On y voit en particulier non seulement le Chien andalou et l’Âge d’or, mais aussi Destino, la séquence que Dali réalisa pour Disney et qui ne fut jamais diffusée, et le rêve de Gregory Peck dans Spellbound de Hitchcock. On y apprend aussi que Dali fut pressenti pour jouer le rôle de Shaddam IV dans Dune, que Jodorowsky ne réalisa jamais : dommage, ça aurait été mieux que David Llynch… N’ayant donc fait que survoler son travail, je me contenterai de vous montrer deux tableaux très différents.
Les Roses sanglantes date de 1930. Nous sommes sur le toit d’un bâtiment qui semble basculer vers le ciel; la perspective déformée accentue le vide vertigineux à gauche. La colonne monte jusqu’au ciel, perce les nuages. A droite, on voit l’ombre d’un homme, bourreau ou voyeur. La posture de la jeune femme est celle de Saint Sébastien. Sa longue chevelure blonde est vaporeuse et finement peinte, alors que son aisselle gauche et son pubis sont couverts de poils roux qui, eux, semblent sculptés, modelés, comme un postiche rigide. Ses seins plantureux, son visage renversé en arrière, ses yeux chavirés, évoquent plus le plaisir amoureux que la douleur du martyre: elle transpose au féminin les thèmes érotiques habituels du saint percé de flèches. Sur son ventre, quatre roses saignent et les filets de sang coulent sur ses cuisses, denses comme une sculpture. Son bras droit est invisible, sa jambe droite semble atrophiée. Ce tableau mêle histoire, religion et érotisme. Evoque-t-il le cinéma ? Le prétexte des films d’Harold Lloyd en haut de gratte-ciels paraît bien ténu. Mais on retrouve bien là les thèmes du sexe et de la mort, omniprésents chez Dali, et présentés ici par le biais de citations classiques. (The Bleeding Roses, 1930; huile sur toile 75 x 64 cm; Fundacion Caixa Galicia, La Coruna)
Ce Nu féminin est antérieur de deux ans dans sa version finale. Ce n’est rien qu’un morceau d’écorce de chêne-liège, dont on fait d’ordinaire les bouchons, attaché avec des bouts de ficelle à une toile où un motif noir est peint. La fente de l’écorce est sans ambigüité, et l’ombre noire peut aussi évoquer des seins de femme. La signature est tapée à la machine et contrecollée en bas à gauche. Dali expérimente alors avec divers matériaux (liège, sable) qu’il inclut dans ses toiles, s’éloignant pour un temps de la peinture en tant que telle. Là aussi, peu à voir avec le cinéma, mais une exploration de la sexualité dans une direction toute différente et qu’il ne poursuivra pas. (Feminine Nude, final state, 1928; oil, cork and strings on canvas; 70,5 x 60 cm; collection particulière)
A la Tate également, au même étage, une exposition sur la couleur chez l’artiste brésilien Helio Oiticica, à réserver aux passionnés (jusqu’au 23 Septembre).
Dali étant représenté par l’ADAGP, les photos seront retirées du site à la fin de l’exposition. Copyright ADAGP.