Ils sont partis, le Vendée Globe vient de lâcher une trentaine de marins émérites pour une course en solitaire de trois mois à peine qui les verra contourner l’Antarctique avant de revenir au pays. La course en elle-même ne me passionne pas, qui finira premier ou dernier m’indiffère, par contre je suis littéralement fasciné par ces hommes ou ces femmes seuls sur leur bateau, prêts à affronter les intempéries, les vagues monstrueuses, les coups de vent énormes, les risques d’incidents techniques comme le démâtage qui a déjà causé les premiers abandons, les obstacles tels les porte containers qui peuvent croiser leur route en pleine nuit. Moi qui meure de trouille à l’idée de monter dans une barque du Bois de Boulogne, j’ai du mal à concevoir ce que ces héros de la mer vont devoir vivre. Etre seul au milieu de l’océan quand la tempête souffle, que le vent couche quasiment le navire sur le flanc ou qu’il le plonge au creux des vagues qui l’entourent comme de hauts murs mouvants de plusieurs mètres, l’écume et les paquets d’eau de mer qui déferlent sur le pont dans le brouhaha terrible des éléments déchaînés. Il faut avoir un courage extraordinaire et une confiance aveugle en sa bonne étoile et sa technique de marin pour se colleter avec ce maelstrom dans ce combat qui semble sans issue où un humain doit combattre la Nature dans sa plus féroce expression. David contre Goliath n’est plus qu’une anecdote ramenée à l’aune de cette bataille titanesque. Bien sûr il y aura aussi les couchers de soleil sur une mer étale et les dauphins bondissants à bâbord et tribord tandis que le cormoran plane au-dessus du mât, le bruyant silence de l’immensité qui rend humble. Moi qui ait la moquerie facile je me garderai bien de broncher et ne piperai mot, respectueux pour une fois devant de tels exploits.