Extrait de l’interview de Rodrigo Fresàn dans LMDA n°98 :
LMDA :
« Vous partez (…) d’abord d’un titre. Comment l’écriture s’organise-t-elle ensuite ? »
R. F. :
« Franchement je n’en sais rien… Je pourrais vous raconter plein de mensonges sur le sujet, mais en réalité, je crois que cela est très prosaïque. (…) J’adore lire The Paris Review justement pour ces interviews d’écrivains qu’on y lit, ils vous expliquent de façon très technique comment ils s’y prennent, ils vous révèlent tout. En même temps, je ne peux pas m’empêcher de penser qu’ils les inventent, toutes ces conneries ! Là encore, il ne s’agit que de fiction… même si c’est très intéressant.
Plus sérieusement, je pense que l’on découvre la façon dont on écrit après avoir écrit un livre. Pas pendant l’écriture, ni encore moins avant. Je me méfie de ces gens qui projettent d’écrire un livre en ayant tout prévu à l’avance, qui écrivent en faisant des schémas, des flèches… cela doit être très ennuyeux. (…°) La partie la plus intéressante, je crois, quand on est écrivain, c’est d’être son propre lecteur, c’est de chercher à toujours se surprendre soi-même. Car on aime écrire avant tout parce qu’on aime lire. »
LMDA :
« (…) En France, nous ne recevons pas vos livres dans l’ordre de leur écriture (…)»
R. F. :
« (…) En ce qui concerne la progression de mes livres, c’est sûr qu’il y a eu des évolutions. Les livres du début se sont imposés à moi de façon évidente, un peu comme pour un homme qui, marchant sur une jetée, verrait apparaître un bateau tout entier, amarré sur le quai. Ce n’est plus le cas. A présent, j’ai besoin de monter dans une barque, de ramer en pleine mer jusqu’à l’endroit supposé d’une épave, d’enfiler ma combinaison de plongée, et de plonger tout au fond de l’eau. J’en ressors une phrase, juste un fragment… C’est à partir de cela que je commence à tout assembler. (…) Avant, c’est comme si on me donnait un squelette, et qu’il fallait que je l’habille de chair, d’organes, de muscles, de peau, en finissant par l’habit. Maintenant, je tombe d’abord sur l’habit. Il me faut trouver ensuite sur quoi le mettre. »