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Retraite : la liberté de choisir ?

Publié le 12 novembre 2008 par Hmoreigne

fillon.1226484500.jpgLes projecteurs seront braqués aujourd’hui sur le Sénat. A l’ordre du jour de la Haute Assemblée l’examen d’une disposition repoussant, sur la base du volontariat, l’âge de la retraite d’office à 70 ans au lieu de 65 ans actuellement. L’adoption de l’amendement litigieux la semaine dernière à l’Assemblée Nationale a suscité une levée de boucliers de la part de  la gauche et des milieux syndicaux.

Les voies du parlement sont impénétrables. Mardi en première lecture, l’Assemblée Nationale adoptait le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2009. Le projet original du gouvernement représentait une vraie avancée sociale: il interdisait aux entreprises de forcer leurs employés à prendre leur retraite à 65 ans, sans fixer de nouvel âge couperet. L’adoption nocturne d’un amendement porté par le député Denis Jacquat (UMP) fixant la date butoir à 70 ans a modifié le délicat équilibre du texte. Le sujet, dans un contexte global de paupérisation des classes moyennes, est sensible.Actuellement, l’âge de la mise à la retraite d’office est fixé à 65 ans. Il est certes possible de continuer au-delà mais, sous réserve que l’employeur soit d’accord.

Laurent Wauquiez, secrétaire d’Etat à l’Emploi a estimé mercredi sur I-télé que la disposition allait juste “donner du choix” aux plus de 65 ans qui souhaitent continuer de travailler. « Aujourd’hui en France quand vous avez 65 ans, on vous met dehors, on vous dit: vous êtes trop vieux, que vous le vouliez ou non, dehors (…) aujourd’hui le choix est tout simple, on veut donner du choix, c’est-à-dire que quelqu’un qui a 66 ans et qui n’a pas envie de travailler, évidemment il s’arrête ».

La sagesse du Sénat se trouve mise à rude épreuve. Nicolas About, sénateur des Yvelines et président de la commission des Affaires Sociales se trouve bien embarrassé. Le parlementaire centriste reconnaît « qu’on ferait mieux d’abord de négocier avec les partenaires sociaux », que tout cela lui semble « insuffisamment réfléchi », il n’en votera pas moins l’amendement et souhaite une entrée en vigueur du texte le plus tôt possible. Impossible de dire si tous les sénateurs centristes se rallieront à cette analyse mais, elle apporte de l’eau au groupe UMP.

Alain Vasselle sénateur et rapporteur (UMP) du PLFSS au Sénat estime qu’il n’y a aucune raison de s’affoler. Selon le parlementaire, « c’est optionnel, en rien obligatoire », « c’est le salarié qui a le dernier mot ». Pas de quoi fouetter un chat, tout le monde ne sera pas obligé de travailler jusqu’à 70 ans. Alain Vasselle reconnaît toutefois que “Le sujet fait débat, y compris au sein de la majorité. Certains auraient souhaité conserver le texte initial, qui instituait la liberté de partir à l’âge de son choix.

Selon des sources concordantes évoquées par le JDD, ce serait le Medef qui aurait téléguidé l’amendement du député UMP Denis Jacquat afin d’éviter de devoir conserver leurs salariés âgés au delà de 70 ans. Le secrétaire général de la CGPME avait prévenu : « Si un employeur veut se séparer d’un salarié âgé, il va devoir le licencier, ce qui va lui coûter très cher. Cette mesure va se retourner contre les seniors, que les entreprises risquent de ne plus vouloir embaucher ».

La confusion est suffisamment grande pour avoir imposé à François Fillon de préciser les choses dans un entretien au Parisien mercredi: «Je veux être clair: il n’est pas question d’imposer la retraite à 70 ans. Ni aujourd’hui, ni demain, ni après-demain». «On a choisi de maintenir le droit, pour tous ceux qui le souhaitent, de partir à 60 ans. Ce droit ne sera pas modifié».

Trop tard, le doute est dans toutes les têtes. Le sénateur Jean-Luc Mélenchon formalise les inquiétudes en évoquant l’hypocrisie de la liberté de choisir dans un contexte où face à des taux de reversion de plus en plus faible les salariés sont contraints à travailler plus longtemps. Le sentiment est partagé par la sénatrice Raymonde Le Texier (PS) qui estime « qu’accepter cela c’est laisser rentrer le loup dans la bergerie », derrière l’idée de libre choix, il y aurait autre chose qui se cache. La sénatrice dénonce une façon insidieuse de faire rentrer la date de 70 ans dans la tête des gens.

Côté CFDT, Jean-Louis Malys, secrétaire national, est sur la même ligne : « Le gouvernement parle de liberté de travailler plus longtemps, mais les salariés modestes n’auront pas le choix. Vu le faible niveau des retraites, ils seront obligés de travailler au-delà de 60 ans pour survivre ».Dans les entreprises, la situation est complexe. La plupart d’entre elles continuent à licencier massivement leurs salariés dès 50 ou 55 ans. « Seuls 38% des salariés qui liquident leur retraite sont encore en activité. Avant de les faire travailler plus longtemps, il faudrait commencer par les maintenir dans l’emploi jusqu’à 60 ans », déplore Danièle Karniewicz, présidente (CGC) de la Caisse nationale d’assurance-vieillesse.

C’est bien ce qu’essaye de faire Xavier Bertrand, ministre du travail. Fin juin, il annonçait  un plan destiné à forcer les entreprises de plus de 49 salariés à conclure avant 2010 des accords avec les syndicats pour favoriser l’emploi des seniors, objectifs chiffrés à la clé. Selon celui-ci, les entreprises récalcitrantes devaient être sanctionnées par des pénalités financières. A voir.

Derrière la question de l’âge légal de la retraite c’est celle du niveau des pensions de retraite qui se profile avec un écart considérable entre salariés du privé et de la fonction publique. Un sujet trop brûlant pour être évoqué, faute peut être aussi de solutions à proposer du côté de la classe politique.


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