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Paul Doherty, La trahison des ombres

Publié le 27 juillet 2007 par Argoul

‘The Treason of the Ghosts’, from Paul C. Doherty has just been translated and published in French last year. In the Middle Age, a small village in England is transformed by economy. Inhabitants have more time to spend and look for pleasure: in those times it means drink and fuck. But why many so smart girls have been killed? Why their alleged murderer, quickly hung five years ago by a jury, is now supposed not to be guilty? Passions and danger are good ingredients for this whodunit receipt.

Le moyen-âge ressemblait-il en son tréfonds à notre époque ? Ou bien l’auteur du XXème siècle prête-t-il à ses personnages médiévaux des attitudes actuelles ? J’aurais tendance à adhérer à cette idée que l’être humain n’évolue point si vite qu’un homme d’il y a mille ans et un homme d’aujourd’hui ne puissent de reconnaitre. A fortiori une femme. Toujours est-il que le village médiéval de l’Angleterre profonde, décrit en ce roman policier historique, pourrait être l’un des nôtres.

L’on y trouve cet essor économique du temps, qui apporte la prospérité en bouleversant les habitudes de vie. Le village a transformé ses alentours de champs laborieusement cultivés tout le jour, en pâturages reliés par des chemins clos, dans lesquels paissent les moutons. La pluie qui arrose continûment la province anglaise fait pousser l’herbe et rend les bêtes grasses. Leur laine est de la meilleure qualité et est fort prisée des tisserands flamands qui n’ont que la mer à traverser pour se fournir. Les paysans sont donc devenus aisés. Ils travaillent moins, mangent à satiété et se regardent les uns les autres. Le temps, autrefois perdu à labourer, ensemencer, sarcler, moissonner les champs, est aujourd’hui consacré aux plaisirs. A cette époque, le sexe et la boisson l’emportent sur les fêtes et sur l’église. Les passions rustres se défoulent.

Jusqu’ici, rien que de très naturel. Un signe tout de même aux écologistes des villes, qui aujourd’hui ne voient la campagne que par les week-ends qu’ils y passent : la vie rurale est close sur elle-même, confite en rancœurs personnelles, les passions exacerbées par le désir et par l’argent. Rien de cet univers idyllique qu’ils voudraient nous faire croire, après l’ineffable Rousseau… L’actualité récente en témoigne encore : ce lamentable « pogrom » du minuscule village de Lussaud, nord Cantal, perpétué sur un enfant du pays qui a le tort d’être écrivain (et de s’être « mal » marié ?). Pierre Jourde a peut-être vexé par maladresse, les « petites gens » se sont peut-être senti agressés et « mis à nu », mais l’état de petites gens ne vaut pas excuse de minorité : le bon sens est également partagé chez tout le monde adulte. La rancœur confite en un tout petit territoire montre bien comment l’humanité banale se monte la tête toute seule, même avec les fenêtres ouvertes sur le monde par la télévision… Paul Doherty recule au moyen-âge, mais décrit fort bien comment les instincts enfermés sur quelques lieues d’étendue fermentent et sourdent en haines recuites, en ivrognerie et fornication, en superstitions et apocalyptique angoisse. Tel est le thème de l’histoire.

Sir Hugh Corbett, clerc du roi Edouard 1er, flanqué de son fidèle Ranulf, clerc de chancellerie à la cire verte, vient sur ordre enquêter sur une mystérieuse affaire. Un chevalier fut condamné à mort, cinq ans auparavant, pour avoir été jugé coupable du meurtre de plusieurs femmes. Malgré appel au Banc du Roi, la justice est restée locale et le jury populaire l’a pendu. Mais ne voilà-t-il pas que les meurtres reprennent ? De jeunes bachelettes disparaissent, étranglées au garrot, violées. Le condamné n’était-il pas le meurtrier en série que l’on croyait avoir pris ? Mais, dès lors, le jury a-t-il été objectif ou soudoyé ?

L’enquête sera longue, humainement éprouvante, dangereuse aussi car l’assassin ne craint ni Dieu ni diable. D’ailleurs, n’y a-t-il qu’un unique assassin ? Le jeune fils du chevalier pendu ne songe-t-il pas à se venger ? Le juge royal qui a accepté la décision du jury n’a-t-il aucun remord ? Et ce prêtre tourmenté de désirs au point de se flageller nu dans la campagne, ne succombe-t-il jamais ? Et ce rustre meunier ? Ce mystérieux charpentier inquiet qui se barricade chaque nuit ? Et le bailli… « Le soir tombait, annonce infaillible de l’hiver. On serait bientôt à la veille de la Toussaints. Les habitants de Melford allumeraient des feux pour écarter les âmes errantes des morts. Le fermier réprima un frisson. Les morts prenaient possession de Melford. Lui et les autres n’avaient guère connu de paix depuis que Sir Roger Chapelys avait été pendu au grand gibet du carrefour, hors la ville. Tant de meurtres épouvantables ! » p.15 Voilà pour vous mettre dans l’ambiance.

Paul C. Doherty, La trahison des ombres, 2000, 10/18, 332 pages


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