Paul-Armand Gette, dont je suis un fidèle, expose à la galerie Philippe Chaume, jusqu’au 20 décembre, une suite qui a plus de vingt ans (1984), mais que censure, pudibonderie et aléas divers avaient jusqu’ici conservée dans l’ombre. Ces Souvenirs de S II sont des polaroïds de ladite Sophie, re-photographiés aux mépris des règles de la belle photographie et assemblés en séries, le plus souvent de deux, comme une brève séquence, mais parfois de six ou huit, avec une logique toute mathématique, des index et des ‘primes’.
C’est le thème éternel du peintre et de son modèle, du désir sublimé en art. La main de l’artiste entre dans le champ : est-ce une caresse ou un geste pour corriger la pose ? On ne voit que sa main, main du peintre, main qui déclenche l’obturateur, mais aussi main de caresse, main de désir. L’oeil du voyeur est hors champ, se confond avec l’oeil du spectateur.
Donc, dans les photos de Paul-Armand Gette, pas d’oeil, mais une main. Cette main porte une montre, bien sûr allégorique du temps qui passe, de l’écart entre le temps du modèle de 20 ans et celui de l’homme de 60 ans. Mais, parmi ces photos, je me suis attaché à celles où la montre changeait de main. Ici, la montre a quitté le poignet et a rejoint cette Culotte verte sur une serviette de bain rose monogrammée d’où émerge, à droite, le corps aux seins parfaits de la jeune naïade. Tout se percute ici, lettres du monogramme, chiffres du cadran, motifs du drap, trop de signes rassemblés; trop de mythes aussi, le bain, le temps, le sexe, la mort.
Il faut dire aussi, dans ces photos si simples de séduction et de pose, la beauté des tissus froissés et des étoffes soyeuses sur lesquels se posent ces courbes langoureuses, dans des tons de vieil or, dans un univers rose doux avec des touches de vert acide et de bleu mordoré.
Polaroïds rephotographiés, 50 x 65 cm. Courtoisie Galerie Philippe Chaume, Paris. Paul-Armand Gette étant représenté par l’ADAGP, les reproductions seront ôtées à la fin de l’exposition, mais restent visibles ici et ici.