Désolé, ce n'est pas le scoop du siècle car je n'ai pas encore changé de sexe... Et plutôt que de parler de moi -sujet certes palpitant mais dont on a au fond vite fait le tour- je préfère évoquer le film de Truffaut et son actrice principale, à savoir Bernadette Lafont.
Même si je ne fais pas partie du fan club de François Truffaut ou de celui de Bernadette Lafont, j'avoue que le film en question est un de mes préférés, bien qu'il ne soit pas considéré comme un chef d'oeuvre du septième art par les cinéphiles. Il a la même verve, la même drôlerie, la même insolence que La fiancée du pirate de Nelly Kaplan, et il offre de la nature humaine une vision aussi pessimiste -mais exacte, hélas.
Sorti en 1972, Une belle fille comme moi raconte l'histoire d'un jeune étudiant en sociologie, Stanislas (joué par André Dussolier dont c'est la première apparition à l'écran), qui, pour les besoins d'une étude, va interviewer en prison une détenue, Camille Bliss (Bernadette Lafont), emprisonnée pour meurtre. Tout en lui racontant les différents épisodes de sa vie (loin d'être banale) qui l'ont menée à sa situation présente, Camille essaie de et parvient à convaincre Stanislas de son innocence. Ce dernier, aidée de sa secrétaire (amoureuse de lui), met la main sur la preuve de cette innocence. Camille est libérée, et Stanislas, amoureux fou d'elle, ne la lâche plus d'une semelle. Hélas pour lui, il n'a pas compris à qui il avait affaire et le pauvre se retrouve accusé du meurtre du mari de Camille (joué par Philippe Léotard) -meurtre perpétré par Camille elle-même- et le film s'achève de la façon la plus ironique qui soit, sur la vision de Stanislas balayant la cour de la prison tandis que Camille parade au bras d'un député, que la secrétaire de Stanislas (jouée par Anne Kreiss dont c'est aussi la première apparition à l'écran) continue de taper à sa machine et que s'élève en fond sonore la voix de Rina Ketty chantant "J'attendrai..."
Il est vrai que les personnages de Une belle fille comme moi ne sont pas tous reluisants ; que le rôle joué par Bernadette Lafont est éloigné de dix mille années lumière de la Sainte auquel le prénom de l'actrice fait référence ; que la naïveté et la sincérité sont descendues à boulets rouges et que triomphent le mensonge, le crime, la médiocrité, le manque total de morale... bref, tout sauf la bêtise. Car si Camille, l'héroïne du film, ne brille pas par la vertu, elle est loin, mais très loin d'être bête. En fait, son credo, cela pourrait être : "comment réussir en se servant des cons." Voilà qui, toutes proportions gardées, renvoie à quelques carrières fort honorables...
Cela dit, on rit beaucoup, on rit énormément du cynisme faussement "innocent" de Camille et on en vient presque à plaindre ceux qui ont le malheur de croiser son chemin. Je dis "presque" parce qu'ils ne sont pas tous des modèles de vertu, loin de là. Même le touchant Stanislas devient franchement énervant à force de niaiserie. Et le pire, c'est qu'on finit par se dire qu'avec un idiot pareil, Camille aurait tort de se gêner. A travers ce personnage de sociologue aveuglé par son étude -et par la beauté du modèle- Truffaut fait une satire des intellectuels qui, à force de couper les cheveux en quatre pour trouver des raisons à un comportement, passent à côté de la vérité, pourtant évidente. La secrétaire de Stanislas n'y va pas par quatre chemins : si, pour lui, Camille est une victime de la société, pour elle, ce n'est qu'une "salope". Et la fin du film démontre avec éclat qu'elle avait parfaitement raison.
Le personnage du taupier, joué par Charles Denner, est également digne d'intérêt : il présente une belle façade de respectabilité et de rigueur morale, de charité chrétienne, mais il se révèle bien vite tel qu'il est : un obsédé sexuel maniaque, qui ne peut jouir que si les parties de jambes en l'air avec Camille prennent l'allure "d'accidents involontaires". En fait, Camille semble pourvue du don de faire surgir chez ceux qu'elle rencontre leur véritable visage ; elle agit comme un révélateur. A cause d'elle, de sa sensualité, les masques tombent, quels qu'ils soient. Et personne, dans le film, n'agit gratuitement. Certes, on profite d'elle ; mais les rôles sont vite inversés et de toutes façons, elle sait toujours tirer parti des plus mauvais instincts qui agitent ses compagnons successifs.
Les répliques fusent comme des balles et Bernadette Lafont est tout simplement géniale dans ce personnage de fille qui n'a pas froid aux yeux, prête à tout pour se sortir des situations "embarrassantes" dans lesquelles elle a la manie de se plonger et sachant se servir de tout et de tout le monde pour arriver au sommet de la gloire. Opportuniste jusqu'au bout des ongles, dépourvue du moindre sens moral et du plus petit scrupule, elle n'hésite pas à aller jusqu'au meurtre pour assurer sa réussite... et faire porter la responsabilité de ses actes soit sur "la fatalité", soit sur le pauvre naïf qui a eu le malheur de s'éprendre d'elle... et il s'agit, bien entendu, du Stanislas susnommé.
La vidéo qui suit est la bande annonce du film. Ecoutez bien les paroles de la chanson car elles dressent un portrait complet de l'héroïne et un résumé tout aussi complet de son histoire. Elle est interprêtée par Bernadette Lafont (qui chante tellement faux que cela en devient sublime) et on l'entend vers la fin du film, lorsque Camille, grâce à l'erreur judiciaire dont elle a été victime, est devenue une vedette de la chanson. Encore un clin d'oeil à la façon dont on devient star...