En ce premier 11-Novembre innocent – sans Poilus – place aux enfants. On ne commémore pas la Victoire, nombre de ses conséquences ont été des défaites. On commémore, dit-on aujourd’hui, le Sacrifice, la bataille pour quelque chose, une idée qu’on se fait de son pays et de soi. Bon, mais c’est là raisonnement d’adulte. Qu’en pensent les trop jeunes pour être guerriers ? Dans les années 1970, il m’arrivait de faire des vers, surtout après avoir relu Apollinaire. Patricia et moi nous émulions pour écrire des poèmes. Elle était bien meilleure que moi. Celui-ci s’appelle « Renaissance ». Il donne une idée de ce qu’était pour moi la guerre : absurde, nihiliste – dans la souveraine indifférence de la nature.
Le soleil s’éleva sur la terre dévastée
La clarté du matin découvrit un enfer
Des gars s’étaient battus et nombre étaient restés
La veille sur ce sol perdu c’était la guerre
Des cris et des appels avaient retentis là
Le claquement des armes et des explosions sourdes
En bouquets d’éclairs de feu de terre et d’éclats
Symphonie sauvage laissant une odeur lourde
Avant le crépuscule la rumeur s’était tue
Maintenant tout dormait dans ce coin de campagne
Des cadavres sanglants gisaient pâles étendus
Sur le dos ou le flanc les yeux remplis de hargne
Plus rien n’était vivant dans ce pays de sang
Plus rien sauf une fleur
Fine et pure elle se penche
Parmi les bois hachés les cratères glissants
Doucement les rayons dans le ciel de pervenche
Fondent leur chaude lumière les chants du merle
La caressent innocente au milieu de la peur
Les pétales palpitent à la brise une perle
De rosée brille dans sa corolle : elle pleure
J’ai quitté la poésie avec l’adolescence. Rimbaud s’était lancé dans les affaires, je suis allé dans la finance (lol - puisqu’il y a toujours des niais qui prennent tout au premier degré). Quand à Patricia, elle est nurse dans un pays anglo-saxon. Parce qu’on n’est pas fini quand on a 17 ans.