Devoir de mémoire mais, quelle mémoire ? Illustration concrète avec le monument aux morts de la petite commune de Gentioux dans la Creuse. Le 29 janvier 1922, sur la proposition du maire, Jules Coustaud, le Conseil municipal et le Comité des Anciens Combattants décident d’ériger un monument aux morts. Avec 63 tués, cette petite commune, située à côté du camp militaire de la Courtine où furent enfermés les soldats russes qui refusèrent de combattre après la Révolution de 1917, a payé un lourd tribut à la guerre.
Sous la facture classique d’un frontispice où figurent les palmes de la victoire (à moins que ce ne soit de la paix) et l’inscription “Nos chers enfants” s’étale la longue litanie des disparus de la guerre de 1914-1918. Et puis, c’est l’audace folle à travers une phrase sacrilège pour l’époque : “maudite soit la guerre”. L’insolence est renforcée par la présence devant le monument, d’une statue de bronze. Celle d’un enfant les larmes aux yeux et la colère au coeur, brandissant le poing contre cette sale guerre qui lui a pris les siens. Il porte une blouse et des sabots. A la main il tient sa casquette. C’est un petit paysan de ces campagnes qui ont fournit les gros bataillons de l’armée française, autrement dit, la chair à canon. Le monument ne sera jamais inauguré par les autorités civiles et militaires. Il faudra attendre 1990 pour qu’il soit seulement inscrit sur la liste des “lieux de mémoire”.