Une comédie avec des handicapés. Il fallait bien un cinéaste danois, petit cousin des formidables zigotos du Dogme, pour s'essayer à un tel défi. L'art de la pensée négative est un concentré de mauvais esprit, d'humour féroce et de pessimisme. Et ça fait un bien fou. Le schéma est pourtant classique : l'irruption d'un individu va faire imploser un groupe qui semblait jusque là très soudé. Sachant que le groupe en question est constitué d'handicapés plus ou moins lourds participant ensemble à une thérapie de la pensée positive (sorte de méthode Coué poussée à l'extrême), on imagine à quel point sa destruction va être salvatrice et délicieuse. Dans ce qui ressemble de près à un huis-clos, Bård Breien orchestre alors un jeu de massacre cruel et hilarant, où pleuvent les coups bas et les coups de sang. Avec une audace folle, il se permet de faire rire avec des personnages qui n'inspirent d'habitude que des films larmoyants et faussement compatissants. Là, non : on rit vraiment du handicap d'Asbjørn ou de la chute de Marte.
La comparaison est facile, mais le style de Breien rappelle furieusement celui du Von Trier des Idiots ou de Vinterberg dans Festen : la caméra est libre et va chercher ce qui reste d'habitude enfoui dans les crânes des personnages. Car si le film est emprunt d'un comique sans détour, il se mue peu à peu en un cinglant règlement de comptes doublé d'une séance d'auto-destruction, ou le pathétique se mêle peu à peu au rire. Il ne faudrait pas réduire L'art de la pensée négative à quelques gags désopilants : ce serait trahir une oeuvre excellemment construite, parfaitement dialoguée, qui ne souffre d'aucun temps mort et se garde bien de dispenser des leçons de morale. Une heure quinze de bon cinéma, qui fait glousser mais pose aussi quelques questions pas futiles. Courez-y.
8/10
(sortie le 26 novembre)
Bande-annonce du film :