Un rapport proposant de limiter les commémorations fait débat.
Une proposition de l'historien André Kaspi visant à limiter les commémorations historiques en France a déclenché un début de polémique avant même sa publication officielle prévue dans quelques jours.
Le président du Conseil représentatif des associations noires (Cran), Patrick Lozès, a ainsi estimé lundi que supprimer certaines de ces commémorations serait prendre le risque de déclencher une "concurrence des mémoires" néfaste.
Le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap) a dénoncé par avance une telle mesure.
Le secrétaire d'Etat aux Anciens combattants, Jean-Marie Bockel, et le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, Jean-François Copé, se sont également déclarés opposés à la suppression de commémorations.
"Je pense que chaque commémoration a sa place même si certaines sont plus fédératrices et plus importantes que d'autres", a dit lundi Jean-Marie Bockel en marge d'une réunion avec ses homologues européens à Mulhouse (Haut-Rhin).
Selon Le Figaro, une commission présidée par André Kaspi propose dans un rapport commandé par l'Elysée de ramener de 12 à trois par an les commémorations historiques, pour ne garder que le 11 novembre et le 8 mai, anniversaires des armistices de 1918 et 1945, et le 14 juillet, date de la fête nationale française.
Pour eux, il faudrait associer à ces commémorations un public plus large, notamment dans la jeunesse.
Les autres dates pourraient donner lieu à des cérémonies plus réduites, locales ou limitées à une seule année, comme le 60e anniversaire du débarquement allié en Normandie.
"Il n'est pas sain qu'en l'espace d'un demi-siècle, le nombre de commémorations ait doublé", écrivent les auteurs, selon Le Figaro. "Il n'est pas admissible que la Nation cède aux intérêts communautaristes et que l'on multiplie les journées de repentance pour satisfaire un groupe de victimes" car "ce serait affaiblir la conscience nationale, susciter d'autres demandes et diluer la portée des commémorations".
REPENTANCE OU PÉDAGOGIE ?
La moitié des dates en question ont été instaurées par le prédécesseur du président Nicolas Sarkozy, Jacques Chirac.
C'est le cas de la célébration de l'abolition de l'esclavage le 10 mai, des hommages aux morts de la guerre d'Indochine le 8 juin, aux Justes de France (qui ont sauvé des juifs pendant l'occupation nazie) le 16 juillet, aux Harkis (supplétifs algériens de l'armée française) le 25 septembre et aux morts de la guerre d'indépendance algérienne le 5 décembre.
Les auteurs du rapport voient dans le communautarisme une source de nouvelles demandes de commémorations. Une tendance dénoncée pendant sa campagne présidentielle par Nicolas Sarkozy, qui y voyait une tendance excessive à la "repentance".
Pour Patrick Lozès, qui a été reçu lundi par le chef de cabinet du président de la République à l'Elysée, le rapport Kaspi "présente aujourd'hui un risque certain".
"Nous demandons que l'on fasse attention à ne pas ouvrir la boîte de Pandore et à ne pas ouvrir la concurrence des mémoires", a déclaré à des journalistes le président du Cran, à son départ de l'Elysée.
Il n'y a pas, à ses yeux, de commémorations qui seraient dignes d'être célébrées par la communauté nationale et d'autres qui ne le seraient pas.
"Ce sont des faits qui se sont passés, nous n'avons pas inventé ces faits. (...) Les commémorations rassemblent les citoyens, créent du lien social et de la cohésion sociale", a-t-il dit.
Le président du Mrap, Mouloud Aounit, s'est pour sa part élevé contre les conclusions du rapport Kaspi.
"Les commémorations sont des actes précieux de prévention pour réfléchir aux logiques, attitudes qui ont permis l'horreur, voir l'irréparable", dit-il dans un communiqué. "Elles aident à résister aux négationnistes et participent à éviter certains bégaiements de l'histoire", ajoute le président du Mrap.
Thierry Lévêque et Emmanuel Jarry, avec la contribution de Gilbert Reilhac, édité par Gilles Trequesser