Le Capitole ? Un bâtiment éventré, balayé par les vents, et à la merci des Supermutants. Entre “Docteur Folamour” de Kubrick et “New York 1997″ de John Carpenter, Fallout 3 distille avec ironie son esthétique de la déconstruction, mâtinée de vieux jazz et de ritournelles patriotiques.
Evadé d’un bunker, en 2277, à quelques lieues de Washington D.C, le héros part à la recherche de son père, un scientifique de renom. Cette trame narrative sert alors de prétexte à un “road movie” ultraviolent d’une ère post-nucléaire, dans lequel les villes ravagées, les bandes de pillards sadiques et les dévoyés de la génétique constituent l’unique horizon.
Jeu encyclopédique, Fallout 3 est autant à l’aise avec les références aux films noirs des années 1950, qu’avec le maccarthysme ou la satire de l’idéal américain. Et le titre de Bethesda réussit mieux que S.T.A.L.K.E.R ou même Bioschock à imposer sa vision cauchemardesque.Certes, la mise en scène n’atteint pas encore la richesse cinématographique des maîtres du septième art. Mais les concepteurs ont su insuffler de salutaires variations, dans un genre - le jeu de rôle offline - a priori très codifié. Des premières minutes, à l’un des divers dénouements possibles, Fallout 3 est un western au temps long, revisitant le mythe de la frontière, et de la terra incognita. L’exemple le plus significatif de cette temporalité, est que le joueur assiste à la naissance, symbolique et réelle du héros, et participe à ses premiers pas dans un didacticiel.
Mais les réalisateurs ont parfois introduit d’étonnantes ruptures dans la narration. Une scène du jeu brouille ainsi les frontières entre le réel et le virtuel, et le joueur devient le jouet d’un scientifique avide d’expérimentations sadiques.
La création de Bethesda s’illustre aussi par la richesse de ses personnages secondaires. Prêtres de l’église de l’Atome, maires-shérifs, ou ménagères tourmentées, tous contribuent, par la diversité de leur psychologie, à accentuer l’immersion du joueur, et à enrichir l’expérience ludique par des quêtes annexes.
Et si l’esthétique du jeu est sciemment déstructurée, sa mécanique ne l’est quant à elle pas du tout. Fallout 3 n’est finalement que la version optimisée de celle du précédent titre de Bethesda, Oblivion, autorisant une gestion des armes et des quêtes, ainsi qu’une personnalisation des capacités du héros, déjà bien connues.Riche en références vidéoludiques ou cinématographiques, Fallout 3 établit toutefois une certaine distance avec sa série originelle. Car en dénonçant encore plus crûment les dégâts humains de la folie guerrière, les deux premiers épisodes, réalisés par feu Black Isle Studios, proposent encore, dix ans après leur sortie, une profondeur de jeu inégalée.
Laurent Checola
Crédits : Bethesda