La collection du couple Coppel, à la Maison Rouge jusqu’au 18 janvier, est principalement axée sur l’art latino-américain, et en particulier mexicain. C’est une bonne occasion d’en avoir une vue assez panoramique, où, à mes yeux, cohabitent deux visions, le Mexique exotique et le Mexique social.
En fait d’exotisme, on voit ici une vision paradisiaque de
Thomas Struth, de belles photos d’Alvarez Bravo et ce joli petit
Chat dans la jungle de
Gabriel Orozco, dont on peut par ailleurs découvrir le travail géométrique très formaliste. C’est contrebalancé par la célèbre photo de Francis Alÿs sur la “chorégraphie urbaine ” sur le Zocalo et par le projet de sculpture publique d’un groupe d’architectes de
Monterrey (Tercerunquinto). Beaucoup de pièces, on s’y perd un peu, guère de logique dans le parcours, mais c’est peut-être inhérent à cet esprit de collection.
Ce qui m’a le plus impressionné, ce sont trois vidéos d’
Ana Mendieta (l’épouse défenestrée de Carl André) dont le travail sur le corps et son insertion dans la nature me fascine. Dans
Sang et plumes #1 (1974), nue devant une rivière boueuse, elle performe un rituel sauvage, s’enduisant de sang, se roulant dans les plumes comme l’acquisition d’une seconde peau, une transfiguration. Sweating Blood (1973) montre son visage intense, concentré, fermé sur lequel, doucement, coule une goute de sang. Anima, Silueta de Cohetes (1976) rajoute le feu à ce mélange explosif rappelant les rituels primitifs, naturels, qu’ils soient indiens, vaudous ou antiques. Ce sont des oeuvres très fortes, dans lesquelles l’artiste s’engage pleinement, et qui ne laissent pas indifférent.
Tout aussi dérangeante est l’installation de
Terence Koh, trace subsistant d’une performance visible sur l’écran en face : ici un squelette et, sur les miroirs, des empreintes, peinture, cire, sperme peut-être (
Skeleton Painting). Comme à
Francfort, ce qui subsiste, ce qui est montré n’est qu’une évocation du rituel qui a eu lieu, et qui nous est inaccessible. Si c’est au premier degré un travail sur le rite et sur la mort, c’est aussi une réflexion sur le rapport inaccompli au spectateur.
Simon Starling, qui fut lauréat du Prix Turner avec une transformation cabane-canot-cabane, montre ici un film (4725 Motion Control / Mollino) lent et sensuel sur une chaise en bois de Carlo Mollino. La caméra épouse les formes courbes de la chaise, les caresse, les érotise presque.
Cette douceur est niée par le dispositif de projection, énorme projecteur 35 mm où la pellicule suit un trajet compliqué et contourné dans un bruit mécanique agressif. Le spectateur ne peut plus s’absorber dans la contemplation, il est ramené au réel, à l’illusion de la représentation que ce projecteur-monstre lui jette à la figure.
Enfin, parmi tant d’autres pièces, au sous-sol, la vidéo
Moby Dick de
Damian Ortega (que nous verrons bientôt à Beaubourg) où une coccinelle VW se transforme en cheval fougueux et indomptable que des cow-boys tentent vainement d’entraver au son de Moby Dick, de Led Zeppelin. Une machine transfigurée.
Photos de l’auteur, excepté Ortega.