Brice Hortefeux, Obama et l’immigration

Publié le 09 novembre 2008 par Lgb

Il y a chez Brice Hortefeux quelque chose de rassurant. De stable. Quelle que soit l’occasion, quel que soit le sujet, on sait que son intervention ne nous déroutera pas. Qu’elle nous permettra de retrouver nos marques. Qu’elle nous offrira un nouveau témoignage de ce que peut être le tour d’esprit propre à la propagande sarkozyste.

Interrogé sur BFM, dans une interview qui, hélas pour lui, a été intégralement retranscrite, Brice Hortefeux livre son sentiment sur l’élection d’Obama.

il y a un côté symbolique, puisque Barack Obama est d’une famille issue de l’immigration, c’est le témoignage que le défi de l’intégration peut être relevé.

Rappelons quand même qu’Obama est américain de naissance par sa mère (donc qu’il n’a pas eu à immigrer ou à s’intégrer). Donc, comme la chose a déjà été notée par certains, pour M. Hortefeux, être Noir, c’est être immigré.

Amusant? Pas tant que cela, dans un pays où les représentants du gouvernement vous parlent sans broncher “d’immigrés de la seconde génération“, et en tartinent des pages dans des rapports ministériels. Un pays, donc, où tu n’es pas immigré (puisque tu es né là) mais où tu es quand même une sorte d’immigré. Un descendant d’immigré. Un citoyen “immigré de seconde génération”…

La chose a au moins le mérite d’être claire: l’immigré, c’est le Noir, l’Arabe, le Chinois… Rarement l’euphémisation, qui sert de bouclier à nos dirigeants et d’arôme de synthèse aux racistes de tout poil, n’aura craqué aussi violemment.

Derrière les grands discours sur “l’intégration”, on voit donc apparaître le fond de ce qui tient lieu de pensée à notre Ministre de l’Identité Nationale (je rougis de honte à chaque fois que je lis cet intitulé) : il y a les allogènes, les “autres”, et qui le resteront pour toujours, et les comme-il-faut, les “intégrés”.

Et, en bonne logique, si les “immigrés”, ce sont les Noirs, les Arabes etc. indépendamment de leur citoyenneté et de leur lieu de naissance (c’est bien ce que suggère M. Hortefeux à propos d’Obama), alors c’est que le critère de la citoyenneté et du fameux “droit du sol” ne compte pas. Donc “les “intégrés”, ce ne sont pas les citoyens, “ceux qui sont nés là”. Ce sont des gens qui sont l’inverse des “immigrés”. Soit les pas-Noirs, les pas-Jaunes, les pas-Arabes.

Qu’ils soient nés là, que leurs parents soient nés là n’a aucune importance. Selon les déclarations de notre penseur de l’Identité, l’équation est simple:

  • intégré = Blanc
  • immigré = pas Blanc (soit plus ou moins noir ou tirant sur le jaune).

Donc un immigré blanc n’est pas un immigré. Mais un Noir né citoyen (donc pas immigré) reste un immigré. Donc l’immigré ce n’est pas le mec qui vient de l’extérieur pour s’installer à l’intérieur, c’est le mec qui, même s’il est né à l’intérieur, va rester toute sa vie un mec de l’extérieur… Vous suivez?

Ajoutons à cela le processus d’intégration. Puisque Obama a réussi, il s’est “intégré”. Logique. S’il avait été Blanc, il aurait simplement réussi. Mais comme il est un mec de l’intérieur qui en fait reste un mec de l’extérieur, en réussissant, il se rapproche du mec de l’intérieur qui est vraiment de l’intérieur, même si, en fait, il est de l’extérieur. Qui a jamais dit que Schwarzenegger s’était “intégré”, alors qu’il était un immigré et un “modèle d’intégration” pour de vrai?

Donc, alors même qu’il est un citoyen américain qui se fait élire, Obama devient un symbole d’intégration. Difficile de faire mieux sentir que, aux yeux du Ministre de l’Identité, le Noir est un mec de l’extérieur qui doit toujours prouver qu’il veut vraiment être de l’intérieur. Être intégré… Vous suivez?

Bref, aussi flamboyantes que soient les déclarations de notre brillant ministre, le monde de monsieur Hortefeux reste un monde où seule compte la couleur. Être non immigré, donc être intégré, donc, pour ce côté de l’Atlantique (puisque nous ne sommes pas américains, rappelons-le), être français, c’est être d’une certaine couleur. Au moins, c’est simple.

Fier d’être français“, qu’ils disaient. Mince. Cela va être dur, si être français, cela veut simplement dire être blanc. Ou tout rose avec des plaques rouges…