Ainsi, parce que la vallée est un axe incontournable, une artère commerciale, mais aussi une frontière. Pont Saint Esprit, à la croisée des chemins fut une ville religieuse, commerciale et militaire.
Pour le baptême de la cité, l'Eglise chrétienne manipula miracles et légendes propres à édifier les foules, en utilisant par deux fois, des récits où s'entrecroisaient la réalité historique et la volonté de Dieu. On raconte qu'aux premiers siècles de notre ère, Saint Saturnin, en marche vers Toulouse, traversa le Rhône pour convertir les pêcheurs de la région. A l'endroit où il toucha la terre languedocienne une église portant son vocable fut édifiée. Ainsi, en hommage à l'évêque martyr de la ville rose, la petite cité fluviale prit le nom de Saint Saturnin du Port.
Au 10 ème siècle, un évènement fondateur fait entrer ce village de pêcheurs dans la période médiévale : en 948 Géraud, Comte d'Uzès et prélat, notifie à ses pairs sa volonté imprescriptible. Ecoutons-le : "Tandis que nous sommes encore voyageurs dans cette vallée de larmes et que nous pouvons mettre à profit le temps favorable et les jours de salut qui vont nous échapper, hâtons-nous de faire tout le bien qui est en notre pouvoir en répandant nos bienfaits", c'est-à-dire en faisant don de ses biens temporels à l'abbaye de Cluny. Les bénédictins fondent alors à Saint Saturnin du Port un établissement monastique, la septième filiale de l'abbaye bourguignonne, dirigée par un prieur qui est aussi le seigneur foncier de la ville. Installés sur le rocher dominant le fleuve, les moines bâtissent en 1150 une église romane dédiée à Saint Pierre dont le style est influencé par l'architecture du temple païen de Diane, à Nimes.
La place Saint Pierre, cantonnée par l'église paroissiale et par celle du prieuré, était le coeur de la communauté où les habitants se rassemblaient lors du marché hebdomadaire (attesté dès 1164) ou de la foire de Pâques. Ainsi, Saint Saturnin du Port développa une économie marchande importante, notamment avec les commerces des grains, du sel, de l'élevage et de ses produits transformés.
Dès le Moyen Age, l'influente famille Piolenc fait fructifier sa fortune par le commerce des grains, ainsi que l'affiche son blason où sont figurés "six épis d'or posés trois, deux, un" et dont la devise "tes champs en sont remplis en abondance" clame la prospérité. Ces négociants possèdent une demeure, appelée la Maison des Chevaliers, sise dans la bourgeoise et commerçante rue Saint Jacques, et qui abrite aujourd'hui les trésors du très beau Musée départemental d'Art Sacré.
(Sur la photo, on voit à droite le clocher de l'église Saint Saturnin)