Raymond Viger
Dossier Alcool et drogue, Prostitution
Le port de Vancouver et le chemin de fer ont participé à la création du vieux Vancouver. Les hôtels étaient des maisons de chambre pour les marins et les travailleurs. Des chambres pas cher où l’on trouvaient à proximité tous les «services»: bar, prostitution, gambling, drogue…
Le vieux Vancouver, c’est le Downtown Eastside où plus de 15 000 itinérants, alcooliques, toxicomanes, prostitués et psychiatrisés se partagent la rue. Au milieu de ce quartier règne le port, sous le contrôle des Hells Angels.
Le Vieux Vancouver n’est pas si vieux que cela. La ville a fêté ses 100 ans lors de l’Exposition universelle de 1986. On attendait 13 millions de visiteurs. Ce sont 22 millions de touristes qui ont envahi la ville.
Des entrepôts et des hôtels abandonnés deviennent maintenant des sites historiques intéressants. Le tourisme profite de la mise en valeur de ces lieux. De nouvelles tours à condos poussent partout. Tranquillement, l’embourgeoisement fait son œuvre, faisant reculer le vieux quartier, l’envahissant et l’isolant sur lui-même.
Logement et Jeux Olympiques
On prépare la venue des Jeux Olympiques d’hiver de 2010. Branle-bas-de-combat: toutes les routes sont en construction pour être élargies et pouvoir accueillir les touristes. Les chantiers s’activent partout. Érik Desbois, coordonnateur du département de travail social pour l’organisme La Boussole nous fait grimper au 9e étage, sur le toit d’une coopérative d’habitation. Pendant qu’Érik fait le compte des organismes communautaires expulsés du quartier, nous avons une vue vertigineuse sur toutes ces immenses grues qui construisent des condos à plusieurs millions de dollars chacun.
Les vieux hôtels qui servaient de maison de chambres à prix modiques pour une clientèle livrée à elle-même sont achetés par les spéculateurs et les financiers. On rénove, on réaménage, on fait du très beau à un prix qui ne permet plus aux habitants du quartier de continuer à y vivre. Et qui dit gros condos, dit aussi gros contribuables. Des gens qui vont se plaindre des anciens résidents. Une municipalité qui va engager encore plus de policiers pour faire respecter l’ordre. Une répression de plus en plus pressante sur des démunis qui ont besoin d’aide.
Érik nous parle du découragement des nouveaux propriétaires de condos: «Au début, plusieurs nouveaux résidents s’impliquent. Après 2 semaines de bénévolat à la soupe populaire, ils deviennent désabusés, disent que leurs idées ne sont pas prises en compte, que les dirigeants des organismes communautaires n’ont rien compris, et ils décrochent».
Accès aux services
En 1993, un immense centre commercial situé en plein cœur du vieux Vancouver, Woodward’s, a fait faillite. Une perte majeure pour les habitants du quartier qui n’ont plus accès à un centre d’achat avec tous les services. En 2006, l’ancien centre commercial est démoli. La construction d’un gros projet de condos de luxe s’achèvera en 2009, accélérant ainsi l’embour-geoisement du quartier. Avec l’achè-vement de ce projet, le Downtown Eastside aura perdu 50% de sa superficie au profit de sites touristiques.
Qui sont ces démunis du Downtown Eastside?
Vancouver n’a que très rarement de neige. Le mercure ne descend qu’occasionnellement à 2 ou 3 degrés Celsius. Des conditions plus faciles qu’ailleurs au
Si vous êtes unilingue francophone et que vous devez consulter un médecin ou un psychiatre, bonne chance! Parce que les services francophones sont rares en Colombie-Britannique. Bien que les francophones ne constituent que 1,6% de la population totale, selon les études consultées, les jeunes francophones représentent de 16% à 22% des itinérants!
Être unilingue francophone est aussi un obstacle si vous souhaitez travailler. Parler anglais est essentiel pour décrocher un emploi.
Depuis 16 ans, un seul organisme se spécialise dans l’intervention auprès des démunis francophones: La Boussole. Neuf employés tentent de répondre à la demande en combinant le travail de rue et l’aide à la recherche d’emploi. Érik a déjà travaillé en intervention du côté anglophone: «J’avais 3 fois moins de personnes à encadrer pour 2 fois plus de services à offrir».
Les grands rêves d’Érik de pouvoir offrir un service adéquat aux démunis francophones s’envolent. «Je vais donner un dernier 5 ans et je retourne au Québec. J’ai déjà avisé mon employeur qu’il peut encore compter sur moi pour 5 ans, mais pas plus.»
Les 4 piliers de l’intervention
La politique en matière de consommation de drogue à Vancouver a été baptisée les 4 Piliers:
- Prévention
- Traitement
- Réduction des méfaits
- Répression.
En 2002, l’ancien coroner en chef, Larry Campbell, est élu maire. Il veut aller plus loin pour soutenir les personnes toxicomanes, qu’il a trop souvent vues à la morgue. En 2003, il appuie la création du premier site d’injections supervisées en Amérique du Nord: Insite.
La série télévisée Coroner Da Vinci, et sa suite Le maire Da Vinci, ont été inspirées par le travail du maire Campbell. Il a même co-écrit quelques épisodes. M. Campbell est aujourd’hui sénateur.
Au dire d’Érik Desbois, «Tout changement social nécessite une implication continue et beaucoup de temps. On ne change pas des comportements seulement en offrant de nouveaux services. Pour soutenir de tels projets, il faut des politiciens avec une vision dépassant les 4 ans de leur mandat et qui ne songent pas seulement à leur réélection. Les membres du conseil municipal ont démissionné, The 4 pillars drug strategy, n’a pas été menée à terme. Dès que ça semblait ne pas marcher, on a arrêté.»
Il n’y a pas que les politiciens qui doivent revoir leur façon de faire: «Beaucoup d’organismes communautaires oublient que la réduction des méfaits inclut aussi l’abstinence. De plus, certains projets nécessitent une coordination. Par exemple, le Café contact devait faire partie du projet. Son ouverture prématurée n’a pas permis de faire le lien avec le site d’injection. Son mandat a dû changer et s’adapter à la clientèle qui avait commencé à l’utiliser.»
Le logement social
Les organismes Triage, Portland et Look out assurent 50% des interventions en logement social. L’autre moitié est prise en charge par des communautés religieuses.