Judith, c’est la meilleure amie de la narratrice. Claire, sa grande soeur cool, vend des cosmétiques à la pharmacie Duquesne, sort avec le fils du docteur Blackburn et, surtout, est finaliste pour un concours de danse dont le grand prix lui permettrait d’accompagner Bruce et les Sultans lors de leur tournée d’adieu. En fait Claire est un prétexte. Le prétexte pour raconter une tranche de vie d’une pré-ado de Chicoutimi, l’été de transition entre l’important passage du primaire au secondaire.
La soeur de Judith, ça sent la fin des années 60 et le début des années 70 à plein nez. Lise Tremblay a le don de créer des images qui nous transportent exactement là où évoluent ses personnages. On voit le quartier de Chicoutimi-Nord, la rue Mésy, terrain de balle où joue le beau Marius, la cuisine de Mme Bolduc et ses chocolats à pitons, comme le salon des Lavallée avec leurs nouveaux meubles de chez Gagnon et Frères. C’est le genre de roman qu’on ne peut écrire avec autant d’acuité si on n’a pas vécue l’époque que l’on y décrit.
Le récit est toutefois assez sombre. À la lecture du quatrième de couverture et suite aux commentaires que j’avais lus et entendus, j’avais la fausse impression que ce bouquin de moins de 200 pages tracerait simplement un portrait plutôt idyllique d’un été dans la vie d’une ado, à l’époque où l’idéal masculin avait pour nom Pierre Lalonde. Sans être un reproche, j’ai été surprise par le ton de l’auteure qui a pris le parti de décrire un univers loin du rose bonbon de la couverture. Maladie mentale, ragots et jalousie hantent le récit qui reflète la réalité sous tous ses angles. Une réalité ordinaire et crue, qui doit se raconter avec doigté pour rester fidèle au quotidien du vrai monde. D’ailleurs, j’y vois une certaine parenté avec un autre Tremblay, qui a si bien su dépeindre ce type de quotidien dans ses Chroniques du Plateau Mont-Royal.
Lise Tremblay est reconnue pour ne pas y aller dans la dentelle. Son recueil de nouvelles paru en 2003, La héronnière, avait suscité l’ire de certaines personnes de son village qui y étaient décrites de façon peu flatteuse. Il y a de bonnes chances pour que ce livre se retrouve également ici, quelque part au cours des 50 prochaines semaines