Il y a quelques jours, j’écrivais sur Paris est sa banlieue, que le vélo était une frontière plus infranchissable que le périphérique entre Paris et sa banlieue, récoltant au passage une volée de bois vert de la part de parisiens à la sensibilité bien vive, dès qu’on se permet, depuis l’autre côté du périph de leur adresser la moindre critique. Je finirai par faire un florilège de ces aimables considérations intra-muresques sur la terra incognita et ses sauvages qui entourent la capitale dans l’esprit de certains de ses habitants les plus obtus. Mais paradoxalement, Vélib’ et non pas le vélo (relisez la note en question ;-) risque de faire avancer d’un pas de géant l’idée de la nécessité d’un Grand Paris, où cette fois il n’est plus question de savoir s’il s’agit d’une annexion ou d’une perte d’indépendance, mais de la volonté de supprimer la barrière administrative pour que les Parisiens de part et d’autre du périphérique puissent profiter des mêmes services et avantages, dans leur ville (ré)unifiée.
Pierre Mansat, adjoint aux relations avec la banlieue du maire de Paris, Bertrand Delanoë, vient ainsi de se voir refiler un joli dossier comme devoirs de vacances. Il doit « établir rapidement tous les contacts » avec les interlocuteurs des communes voisines, parce que « de nombreuses collectivités riveraines ont saisi récemment la Ville de Paris, afin d’envisager l’extension de ce service (Vélib) ». Le communiqué de presse précise que « cette volonté doit cependant prendre en compte des difficultés objectives, en particulier sur le plan juridique. En effet, outre la spécificité du montage Vélib´, l´extension de son offre aurait impliqué que les communes intéressées renouvellent, simultanément, leurs marchés de mobilier urbain, dans la perspective d´un appel d´offre conjoint. » Et c’est donc ces « difficultés objectives » que Pierre Mansat est chargé de faire disparaître, pour que de part et d’autre du périph’ s’établisse une continuité territoriale entre Paris et la banlieue, au moins pour ce qui concerne le service de location de vélos Vélib’, « comme c´est déjà le cas par exemple, à travers l´aménagement de pistes cyclables “intercommunales” ».
Intercommunal, bigre, le mot est lâché au détour d’un communiqué de presse, avec la protection de guillemets, juste un effet de style. Ou alors, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, on fait de l’intercommunal à l’insu de son plein gré, comme c’est déjà le cas pour le traitement des ordures avec le Syctom, moins glamour mais tout aussi efficace ?
Je trouve cette histoire de Vélib’ à la fois savoureuse et instructrice, en ces temps de tempête autour du SDRIF, de résistance au jacobinisme imposé par le Président de la République, Sarkozy qui tel un nouveau Napoléon III voudrait de force annexer les pauvres villages gaulois de la périphérie, dissouts sans laisser la moindre trace dans un Paris, nouveau Moloch urbain. Avec des élus schizophrènes, comme ceux de l’UMP qui appellent au Grand Paris mais boycottent le moindre outil commun, comme la Conférence Métropolitaine, soit disant trop limitée, pour de pures raisons politiciennes. Les autres refusant l’idée d’un Grand Paris parce qu’il ne serait pas démocratique et qu’il marquerait le retour de l’asservissement de la banlieue par un Paris arrogant, sans même avouer que c’est peut-être aussi leur mandat qu’ils défendent, car après tout, pourquoi un Paris étendu aurait-il des institutions moins démocratiques que le petit Paris d’aujourd’hui ?
Mais quand il s’agit de profiter d’un nouveau service, bien vendu médiatiquement, correspondant à l’air du temps si ce n’est à un besoin, alors là c’est différent. Foin d’annexion et d’impérialisme, Vincennes, Vanves, Pantin, Montreuil, Boulogne et même Neuilly n’ont plus de ces pudeurs et voudraient bien que Paris les annexe un peu, le temps d’une promenade à Vélib’ ! Le Parisien, le 21 juillet dernier, dans son édition du 92 titrait Vélib’ séduit de plus en plus de villes et de citer le député UMP de Boulogne, Pierre-Christophe Baguet écrivant à Pierre-Mathieu Duhamel, le maire de pour voir comment ce service pourrait être étendu à la ville. L’article poursuivait sur Neuilly où on trouve l’initiative de Bertrand Delanoë « intéressante », une «démarche (qui) nous fait réfléchir, avoue le directeur de cabinet, Antoine Masson. Nous n’avons pas de pistes cyclables mais des rues très larges. Maintenant, le souci est de savoir comment mettre en place le dispositif. » De même à Issy-les-Moulinaux, chez l’UDF André Santini « où on est psychologiquement prêts à accueillir ce dispositif » tout en soulignant que le maire avait « repéré le développement de ce système depuis longtemps, bien avant que la ville de Lyon ne l’installe » selon Olivier Haumant, directeur des services techniques de la ville. De son côté, à Vincennes, «nous sommes pour une extension du système, et nous l’avons signifié à l’entreprise Decaux», signale le maire UDF Laurent Lafon. Enfin, je ne résiste pas à citer à nouveaux l’association Périféérique qui écrivait dans Libération « La municipalité parisienne doit d’urgence engager une concertation avec les maires de la première couronne. ». Mais à quel titre le doit-elle ? A celui de ses visées impérialistes sur le reste de l’agglomération, de la mise en place de la vision ultra jacobine de Sarkozy ? Ou bien doit-elle le faire au nom de la raison et de l’intelligence qui montrent que c’est uniquement à l’échelle de l’agglomération que l’on peut apporter une solution cohérente aux problèmes de l’agglomération, y compris pour la mise en place d’un service Vélib’ ? Paris est sa banlieue, ses lecteurs habituels le savent bien, n’a pas pour habitude d’applaudir systématiquement à la moindre initiative de la mairie de Paris, mais même si mon opinion sur Vélib’ n’a pas changé, cette fois j’applaudis. Au fait, à quand l’extension de Paris wifi de l’autre côté du périph ;-)