En mars, dans “Paris disparu, la grande Maxéville”, j'avais évoqué le sort de l'établissement où travaillait mon père. Dans ma bibliothèque, j'ai mis la main sur l'excellent Guide Julliard de Paris de Henri Gault et Christian Millau publié en 1970. J'y ai trouvé cet article complémentaire, bien écrit et au délicieux goût de vieux fût :
“La Maxéville
14, boulevard Montmartre. PRO. 72.85. Diner-concert jusqu'à minuit.
Des 79 cafés-concerts parisiens existant à la veille de la dernière guerre, la « Maxéville » est la seule brasserie qui soit restée fidèle à la fornule du spectacle populaire qui donna naissance à notre actuel music-hall. Le décor évoque celui du « Normandie ». Derrière un balcon sinueux, trois musiciens jouent sans interruption sous la direction du violoniste Jean Moulin, lequel interprète à la demande de vieilles valses, de langoureux tangos et des tubes récents. A la « Veuve Joyeuse » – Son très grand triomphe – succèdent les perles des répertoires d'André Claveau, de Lyne Clevers, d'Edith Piaf, de Lys Gauty, ou les tout derniers airs des Beatles. Le spectacle est pour l'essentiel composé d'un intermède visuel - généralement de « main à main » - précédant l'intervention sur la scène d'un chanteur à voix dont l'autorité fait vibrer les cœurs des vieux couples de commerçants aisés qui ont ici leurs habitudes. Sous leurs pieds - mais le savent-ils - coule un des plus abondants ruisseaux du lieu dit la « Grange Batelière » où les fils Aymon organisèrent en l'honneur du vieux Charlemagne des courses de chevaux somptueuses. C'est à ce ruisseau qu'est due la pureté très singulière de l'air qu'ils respirent. Un conditionnement unique à Paris le renouvelle seize fois l'heure, par captation de l'eau du ru souterrain, eau qui « lave » l'atmosphère de l'immense « Maxéville ». L'air (et les airs) d'un autre temps circulent pour rafraîchir l'âme, le cœur et la mémoire des vieux amoureux d'un Paris par-tout ailleurs englouti : le Paris du café-concert qu'un nabot de génie, peintre de son triste état, aimait tant.“
Mon père (ou presque) saisi au vol par Bertall