Né en 1905 dans le quartier de la Chapelle, Simonin, fils d’un fabricant de fleurs artificielles, n’était pas, à l’origine, destiné à une carrière d’écrivain. Ayant quitté la Communale dès l’âge de 12 ans, il effectua une foule de « petits boulots » (électricien, fumiste, vendeur, chauffeur de taxi, etc.) avant de se lancer dans le journalisme. C’est sans doute autour du marbre, dans les salles de rédaction ou sur le terrain qu’il attrapa le virus de l’écriture.
En 1953, il publia son premier roman, Touchez pas au Grisbi !, dans la « Série noire », collection alors dirigée par Roger Nimier chez Gallimard. Ce dernier dira de lui : « Enfin Simonin vint, furtif Furetière (au XVIIe siècle, Antoine Furetière rédigea un dictionnaire de langage populaire) qui remit de l’ordre dans le crime, comme Malherbe l’avait fait dans les vers. » Jusqu’en 1977, Albert Simonin écrivit une dizaine de romans dont l’action se situait essentiellement dans le monde des truands des années 1920 à 1970. Sa verve faubourienne, son sens de la formule et sa maîtrise de l’argot font de ses ouvrages des textes de référence pour qui s’intéresse à ce milieu qu’on appelait alors « le Milieu », et à cette langue riche et imagée. D’une certaine manière, il ouvrit une voie qu’exploitèrent à sa
« La gaffe, l’impair, le mot blessant, la médisance, l’indélicatesse, sanctionnés dans le monde des caves par un refroidissement des relations, le sont souvent, dans le Mitan, par le refroidissement à zéro du gaffeur, du malotru, de l’injurieux, du médisant, de l’indélicat, et le savoir-vivre chez les truands pourrait plus justement se nommer le savoir-survivre ».
Plusieurs romans d’Albert Simonin furent adaptés au cinéma ; il travailla lui-même au scénario ou aux dialogues d’une trentaine de films (souvent en collaboration avec Michel Audiard), dont certains sont devenus des classiques : Touchez pas au grisbi et Les Aventures d’Arsène Lupin, de Jacques Becker, Le Cave se rebiffe et Le Gentleman d’Epsom de Gilles Grangier, Du mouron pour les petits oiseaux de Marcel Carné, Mélodie en sous-sol de Henri Verneuil, Le Pacha et Les Barbouzes de Georges Lautner. Sa peinture du Milieu ne cède pas à la couleur locale ou à un pittoresque de façade ; jamais dénuée d’humour (parfois noir) elle est criante d’authenticité et de vérité ; Simonin le « Parigot », en fréquentant les personnages qu’il introduisait dans ses romans et ses scenarii, se livrait, à sa façon, à une approche quasi ethnologique. Là réside aussi, sans doute, une partie de son talent et de son succès populaire.
Parmi les documents du fonds Simonin, se trouvent les manuscrits de ses œuvres, sa correspondance, ses brouillons et ses agendas. Autant dire une mine d’or pour les historiens de la littérature et du cinéma, « yes, Sir ! »