Une grande exposition autour de Jacques Prévert s’est ouverte fin octobre à la Mairie de Paris et il faut s’en féliciter : elle propose une vision d’ensemble de l’œuvre qui place Prévert où il doit être, parmi les créateurs les plus importants du XXe siècle. L’exposition est chronologique : on suit les étapes de la vie de Prévert, son installation rue du Château, son amitié avec Tanguy et Marcel Duhamel, la rupture avec Breton, l’activité du Groupe Octobre, l’engagement dans le cinéma, l’écriture de chansons, la publication du premier recueil (Paroles) grâce à René Bertelé, la reconnaissance du public. Ce premier ensemble, classique et nécessaire, offre une variété de documents qui sollicite le visiteur ; trop à regarder : les manuscrits, les lettres, les dessins de Prévert, les coupures de presse, les tableaux, les maquettes de Trauner pour le décor de films, celle de Mayo pour des costumes des Enfants du Paradis, et les affiches, les photographies, les partitions de chansons ; trop à regarder et à écouter : les extraits de films, les chansons mises en scène par les Frères Jacques ou avec les voix et les visages de Cora Vaucaire, Juliette Gréco, Yves Montand, Nat King Cole, et l’évocation de Marianne Oswald, la pionnière, Germaine Montero, Mouloudji, Piaf, etc.
L’exposition est aussi thématique, et c’est un autre parcours. Des livres, beaucoup, qui raviront les amateurs d’éditions rarissimes. Des livres avec les illustrations d’Elsa Henriquez, de Jacqueline Duhême, trop méconnue. Des photographies de Brassaï, Willy Ronis, Izis, Doisneau, André Villers, Pierre Janet... Ensuite, il y a un étage. Avec les grandes feuilles de dessins sur chacune desquelles Jacques Prévert dessinait sur une fleur et notait quelque tâche à accomplir, une course à ne pas oublier. Avec ses étonnants collages, nombreux, dont le beau Portrait de Janine, peut-être le premier réalisé en 1943, mais aussi La Salamandre, La Beauté du Diable, Le Nouvel Opéra de Paris, pour citer parmi bien d’autres mes préférés. Avec encore des illustrations de Calder et de Picasso, des tableaux d’amis, Fabra, Postma, Betty Bouthoul,...
Il faut ajouter la sobriété et la grande lisibilité des textes sur les murs, qui renseignent sur Prévert ou reprennent des vers ou des poèmes, et la distribution des espaces permet une circulation facile dans l’exposition. Un catalogue intelligent1, préparé par Eugénie Bachelot Prévert (la petite fille de Prévert) et N. T. Binh, grand connaisseur du cinéma. Une exposition modèle. Des collégiens visitaient en même temps que moi, ils ne voulaient pas sortir, pour tout lire et tout voir — ils reviendront...
Mairie de Paris, Salon Saint-Jean, jusqu’au 28 février, de 10h à 19 heures sauf dimanche et jours fériés. Entrée libre.
Contribution de Tristan Hordé
Le dossier
de presse en pdf, à télécharger ici, avec iconographie
une belle vidéo, interview des commissaires de l’exposition
Jacques Prévert
dans Poezibao :
bio-bibliographie, extraits 1
1 Rappelons que les œuvres de Jacques Prévert ont été éditées dans la Bibliothèque de la Pléiade en 2 vol. (1992 et 1996), qu’une édition des Collages [272] a été publiée chez Gallimard (1982) ainsi que des textes écrits pour le groupe Octobre, fournis par André Heinrich sous le titre Octobre chez Gallimard (2007). Le même A. Heinrich a préparé l’Album de la Pléiade consacré à Prévert (1992). Enfin, presque toute l’œuvre poétique est disponible en Folio-Gallimard.