Durant les trois journées que je passe dans cette ville thermale de la Province de Parme, ville de la Santé, j’en profite pour rencontrer Gabrielle Nanchen.
Si Gabrielle Nanchen est connue dans son pays et au-delà ; c’est en raison d’un féminisme qui a fait trembler la Suisse en son temps. Elle est une des premières femmesayant siégé pour le Valais au Parlement Fédéral, de surcroît, à l’âge de 28 ans et avec une sensibilité socialiste.
Ancienne présidente de Swissaid, ancienne présidente de la Fondation pour le développement durable des régions de montagne et engagée pour les questions Nord-Sud auprès duConseil de l’Europe.
Si elle souhaitait ce contact avec l’Institut au point de faire le voyage italien jusqu’à Fidenza depuis le Valais, plutôt que de venir à Luxembourg, c’est sans doute qu’elle peut ainsi découvrir le parcours de la Via Francigena, mais que cela lui semblait plus près que de se rendre à l’Institut, ou peut-être même plus contextuel.
Pèlerine sur les chemins de saint Jacques, elle déclare avoir fait une expérience unique mais dont elle ressort un peu amère d’avoir pu découvrir et comprendre que saint Jacques le Majeur est non seulement la figure emblématique des pèlerins, mais que dans le rêve d’unité de Charlemagne et surtout dans la stratégie de reconquête catholique des Rois d’Espagne, il s’agit d’un saint qui épouse la Reconquista contre les Arabes, les Berbères, les Maures dont l‘héritage andalous témoigne pourtant de la splendeur.
L’ouvrage qu’elle a publié aux Editions saint Augustin à Saint Maurice cette année, intitulé « Compostelle, de la Reconquista à la Réconciliation », raconte son expérience, et propose surtout ses questions. Une femme de foi, mais qui veut comprendre pourquoi on semble lui cacher quelque chose d’important. Et qui comprend parfaitement le rôle géopolitique du pèlerinage, la construction du légendaire, ou pour résumer encore mieux : « Que cela plaise ou non, saint Jacques est un saint politique. La question qui se pose aujourd’hui n’est pas de savoir comment continuer efficacement à nier cette évidence. Mais de faire de lui – qu’il me pardonne cette inconvenance – l’usage qui correspond le mieux au message qu’il est venu nous apporter à la suite du Christ il y a deux mille ans. » en ajoutant « Il est impensable de confier aujourd’hui à « saint Jacques l’Européen » la même tâche qu’au Moyen Âge. Lorsque notre continent a commencé à se construire, c’est la longue lutte contre l’ennemi musulman – la Reconquista (Reconquête) de la péninsule ibérique, dont l’Apôtre a été, bien malgré lui, le fer de lance – puis les croisades, qui en ont été le principal ciment.
A l’heure où les relations du monde occidental avec l’Islam sont devenues l’une de nos préoccupations quotidiennes. Il me paraît à la fois injuste et dangereux de perpétuer certaines des croyances qui ont fait la gloire de Compostelle. La Grande Europe de demain et le monde avec elle, s’ils veulent suivre, ne peuvent reposer sur l’intolérance et sur la haine. Mais bien sur la fraternité et le partage.”
Mieux encore : ”C’est la réconciliation avec son ennemi de toujours que le cheminement vers Compostelle pourrait enseigner en Europe. »
L’idée simple, mais certainement très efficace est donc de réaliser aujourd’hui, c’est-à-dire en 2010, prochaine année sainte, un « pèlerinage » vers saint Jacques de Compostelle réunissant les trois religions. C’est en quelque sorte de faire le parcours de la Reconquête à l’envers, en faisant en sorte que le symbole de la marche s’appuie sur celui de la recherche historique croisant les différents points de vue.
En cela trois itinéraires peuvent aisément se croiser : le patrimoine juif, Al-Andalus et saint Jacques.
Nous n’en sommes qu’aux préliminaires d’un projet utopique. Mais Madame Nanchen semble déterminée. Nous aurons donc l’occasion d’en reparler.
Photographies : lever du soleil à O Cebreiro, avant la descente du col vers Santiago / marché couvert à Santiago