Nos parlementaires, avec une ignorance ahurissante du sujet traité, et dans le silence presque absolu des medias, sont en train de légiférer à propos de l’Internet.
Qu’est-ce que l’Internet ? C’est une révolution technologique avec peu de précédents, qui permet d’accéder à une multitude de services. Il y a déjà plus de vingt ans, le Minitel avait ouvert la voie, donnant à notre pays une avance qui n’a malheureusement pas été suffisamment exploitée. Grâce à l’extension de notre réseau téléphonique et la mise à disposition des utilisateurs de terminaux presque gratuits, nous avons ainsi pu goûter en avant-première à certaines des facilités qui se sont généralisées et étendues depuis avec l'Internet. Malgré des abaissements sensibles du prix des équipements, cet outil n’est pas encore accessible à tous mais il le deviendra bientôt et sera alors aussi banal que notre vieux téléphone.
Je n’entends pas me livrer ici à un éloge de l’Internet mais, de même qu’il m’est difficile de ne pas faire usage de l’électricité, j’ai du mal à me passer de ma connexion à l’Internet. J’en ai besoin pour consulter mon courrier, suivre mon compte bancaire, parcourir la presse, vérifier une adresse, téléphoner, retenir un billet de transport, acheter un livre, travailler à distance, etc. Même EDF a pris conscience du fait qu’il n’est pas admissible de priver totalement de courant les familles incapables de le payer et voilà que des ignares veulent s’arroger le droit, en dehors de toute décision de justice, de couper des connexions à l’Internet, au moyen d’une punition collective, notion à ma connaissance, absolument inédite dans notre droit.
Imaginez-vous que des individus sans scrupules se permettent de décharger illégalement différentes œuvres sonores ou filmiques, compromettant ainsi paraît-il la survie des industries concernées. Comme je l’ai déjà mentionné dans un précédent billet, nos politiques, au nom de la défense de la création, veulent en fait protéger des outils de diffusion menacés par la concurrence de techniques plus modernes. Si les industries en cause sont incapables de s’adapter, elles disparaîtront, tout comme en son temps, celle des voitures à chevaux devant l’industrie automobile.
Ce qui est scandaleux, dans les mesures envisagées, c’est que détecter les chargements illégaux implique d’espionner en permanence les utilisateurs, de réaliser de véritables écoutes informatiques. Les écoutes téléphoniques sont elles, du moins il faut l’espérer, sévèrement réglementées et surtout ne peuvent à ma connaissance être autorisées que par une décision de justice. Alors qu’on se propose ici, sans autre forme de procès, d’épier nos communications avec le seul aval d’une haute autorité composée d’on ne sait qui, placée là par on sait trop qui. Moi qui pensais qu’en démocratie, on ne saurait lutter contre le crime avec les armes du crime !
Mais ce n’est pas tout. Couper une connexion à l’Internet revient à priver d’accès à l’Internet tous les ordinateurs branchés sur cette adresse. Si l’on excepte ce qui se passe avec les radars automatiques, le gendarme qui me dresse procès-verbal s’assure de mon identité, me demande le nom de mon père, avant de me convoquer éventuellement devant un tribunal. Peut-on donner des punitions collectives ? Et que fait-on avec les points d’accès publics ? Et comment nous protégeons-nous des hackers qui usurperaient notre adresse ?
Lorsqu’un automobiliste est impliqué dans un accident mortel, lui confisque-t-on son véhicule pour l’empêcher de sévir à nouveau ? Il est vrai qu’il n’est peut-être responsable que d’une mort tandis que menacer les profits d’une maison de disques et accéder à un espace de liberté, hors d’atteinte pour l’instant de not’bon maître, c’est autrement plus criminel.