Lu le 07/11/2008 dans Neomag
Liquidation judiciaire pour la Camif Particulier, licenciements à la Redoute et les 3 Suisses en petite forme… Un pan entier et historique de la distribution est en péril. Les raisons qui ont conduit la VPC à l’échec sont nombreuses. Retour sur les événements et analyse…
Historique, un mot bien choisi lorsque l’on évoque des sociétés qui ont plus de 50 ans. C’est le cas pour la Redoute (1922), Les 3 Suisses (1932), la Camif ( 1947). La vente par correspondance avait, depuis la création du premier catalogue en 1771 par Vilmorin, connu un essor régulier jusqu’au début du 21ème siècle. Les trois sociétés évoquées dans cet article font en quelque sorte partie du patrimoine de la distribution. Des monuments en péril qui mobilisent en temps de crise les politiques. En effet, Luc Chatel, secrétaire d’Etat chargé de l’Industrie et de la Consommation, s’est rendu à Niort le 30 octobre pour mettre en place une plateforme-emploi afin de reclasser dans les meilleures conditions les salariés de la Camif Particulier. Ces derniers ont également reçu le soutien de Ségolène Royal, qui réclame vingt millions d’euros pour un rachat de l’entreprise par les salariés. Elle évoque la possibilité de recentrer les activités sur le commerce équitable, prônant un modèle de économique de « fraternité ». Plus sérieusement, la question qui se pose aujourd’hui est bien celle de l’avenir de ce mode de distribution, et parallèlement de son adaptation au commerce contemporain.
Internet est-il le seul responsable ?
Qu’est-ce que le e-commerce si ce n’est de la VPCE (vente par correspondance électronique) ? Le plus compliqué dans la vente à distance est d’assurer avant tout une bonne logistique et de se construire une image forte pour avoir la confiance des consommateurs. Ces deux points, la VPC les maitrisait. Et, ayant connu le courrier, le téléphone puis le minitel, ses acteurs ont été parmi les premiers à se lancer dans l’aventure du Web. Dès 1995, les 3 Suisses et la Redoute créaient leur site et annonçaient à l’époque qu’Internet était la voie d’avenir de la profession. Tout est allé très vite : en 2003, sur les 7,92 milliards d'euros de chiffre d'affaires réalisés par la vente à distance aux particuliers (hors services), 48,9 % des commandes ont été passées par courrier et 33,5 % par téléphone Aujourd’hui, à titre d’exemple, la Redoute réalise 55% de son chiffre d’affaires en ligne. La VPC n’a donc pas raté le virage d’Internet qu’elle a été la première à négocier. Le problème est survenu dans la ligne droite, quand d’autres entreprises sont apparues dans le rétroviseur puis ont distancé les acteurs de la VPC. Mais comment résister lorsque l’on emmène dans son coffre des objets aussi lourds que des millions de catalogues papier ?
La concurrence premier facteur de la chute
Dire que si l’on perd, c’est la faute de la concurrence, le raisonnement peut paraître simpliste. Nos lecteurs la vivent chaque jour cette concurrence, et sous de multiples formes. C’est cette même concurrence qui oblige à se remettre en question, à se moderniser. Or, les acteurs de la VPC n’ont longtemps eu comme seuls concurrents qu’eux-mêmes. Mais les choses ont rapidement évolué. Dans le textile, cœur de métier des vépécistes, les enseignes comme Zara ou H & M ont pris des parts de marché à la VPC. Dans les produits d’électromestique, les historiques comme Darty ou les pure players comme rueducommerce et Pixmania ont investi le web avec une offre plus large et une image de spécialistes. Dans l’ameublement et la décoration, Ikea et consorts ont taillé des croupières aux catalogues.
Et beaucoup d’entre eux ont une stratégie multicanal, ce qui les rend encore plus performant. Pourtant, diront certains, la VPc a aussi eu une stratégie multicanal, en, ayant des magasins, un site Internet, et des catalogues. Certes, mais la gestion du courrier et les coûts de fabrication et de distribution de ces masses de papier nécessitent un investissement tel qu’il devient très compliqué de rester compétitifs.
L’avenir passe par une remise en cause totale du modèle économique
Pour la Camif Particuliers, la messe semble être dite. En revanche, pour la Redoute et les 3 Suisses, rien n’est fini. Commençons par la Redoute qui, rappelons-le, est le R de PPR (Pinault-Printemps-la Redoute). L’actualité a été marquée par l’annonce de 672 suppressions de poste. Les salariés, inquiets et à juste titre, se mobilisent notamment par la création de blogs ou forums comme onredouteladeroute . Du côté du groupe, on dresse le constat suivant dans un communiqué : « Le marché de la vente à distance se caractérise aujourd’hui par le déclin de la vente par correspondance traditionnelle que ne compense pas suffisamment le développement du web, par un environnement de plus en plus concurrentiel et par une tendance des prix à la baisse. Dans ce contexte, La Redoute doit impérativement accélérer l’évolution de son nouveau modèle économique et commercial. Le plan de relance présenté vise, grâce à l’utilisation du web comme canal de vente majeur et à l’adaptation des structures et des organisations, à développer une offre produit plus innovante et plus réactive, à créer une relation commerciale encore plus proche des clients et à mieux répondre à leurs attentes. Ce plan d’action consiste à simplifier l’ensemble des services du siège, à reconfigurer son réseau de points de contacts avec sa clientèle et à externaliser le traitement des commandes par courrier…» En clair, tout devra passer par le net dorénavant, en minimisant l’impact et les charges des autres postes. A commencer par le papier, qui se symbolisera à terme par une disparition pure et simple des catalogues généralistes. Disons pour être optimiste que la chance de la redoute est de faire partie d’un groupe de distributeurs, et de ne pas être dirigée par des fonds de pension pour qui distribution se conçoit uniquement en termes de dividendes.
Du côté de 3 Suisses International, on est plus secret. Peut-être l’influence du nom. En revanche, la nomination d’un nouveau Directeur général, Pascal Gires, successeur de Jean-Marie Bouckaert, démontre aussi des signes de fébrilité. Financièrement, le groupe est celui qui s’en sort le mieux dans la VPC, mais ici également on évoque une restructuration entraînant des suppressions d’emploi.
Se refondre complètement ou disparaître, telles sont désormais les deux options possibles. Pour les salariés, cela risque malheureusement de se faire au détriment de l’emploi. Pour les dirigeants, il ne s’agira pas de raisonner uniquement en termes de réductions de charges salariales. Car ce genre de solution n’est que temporaire. Il faudra retrouver une âme de commerçant, au sens noble du terme. Si tel n’est pas le cas et que les seules lectures d’un bilan comptable restent la base de la stratégie, il n’y aura plus de place pour les acteurs historiques de la VPC dans la distribution moderne