Festival de films gays et lesbiens de Paris. Jour 3 : Diego Costa impudique, courts métrages français prometteurs de Jean-Sebastien Chauvin et Yann Gonzalez + docu coloré italien

Par Luc24

Shame on me : j’ai dû sécher le festival Mercredi en raison de différents rendez-vous « professionnels ». Bref, pour la peine, j’ai décidé de bien me rattraper avec la journée de ce Jeudi. Et ça commence assez fort avec la présentation, au cinéma le Nouveau Latina, du documentaire The Parricide Sessions. Juste avant d’en parler, je tenais à féliciter un des mecs de l’accueil , à l’humour assez rare. J’arrive, je demande où se trouve la salle pour voir le film du festival et il me répond « Non mais vous vous êtes trompés Monsieur, ici vous êtes dans un night club. Le décor de cinéma n’est qu’une façade ». Je rigole un moment mais le temps commence à passer…Au bout de cinq minutes, ce cher Monsieur refuse toujours de m’indiquer le chemin de la salle et je commence à me sentir un peu mal à l’aise. Décelant ma gêne il finit par me dire : « Peut être que si vous allez vers la droite, vous trouverez votre chemin ». Waw, qu’est-ce qu’on se marre à ce festival ;)

THE PARRICIDE SESSIONS

 

The Parricide Sessions est un documentaire assez singulier qui n’est pas sans rappeler le film Tarnation de Jonathan Caouette. Onretrouve la même impudeur et un ton libre mais tourmenté. Pour son film, le réalisateur brésilien Diego Costa a eu une idée assez folle : demander à son père de jouer devant sa caméra le rôle de ses anciens amants ! Le père refuse, ce que l’on peut comprendre. Mais Diego décide de ne pas abandonner son projet. Pendant 72 minutes il va ainsi nous raconter ses histoires d’amours passées (photos et parfois vidéos à l’appui) tout en les mélangeant à des séquences où il observe son paternel. Diego affirme que quelque part, dans chacun de ses amants, il recherchait la figure de son Papa. Un propos qui ne conviendra pas à tout le monde mais qui a le mérite de ne jamais se dégonfler.

Mêlant histoires sexuelles, amoureuses, portrait de jeune gay, chronique familiale et obsessions très personnelles, The Parricide Sessions se révèle être un documentaire très attachant et sensible. Il y a , bien sur, quelque chose de très narcissique et d’assez dérangeant dans la démarche de Diego Costa. Son docu est même parfois un peu trop maniéré (voix off un peu trop lyrique à certains moments). Mais il réussit à toucher des points sensibles chez le spectateur, à livrer un portrait assez universel. Si dans sa façon de raconter ses aventures passées, Diego est impudique, il l’est beaucoup moins quand il évoque sa relation avec son Père. Cet homme beau, fort, inatteignable. La figure maternelle étant quasiment absente, un rapport de fascination, d’adoration, d’incompréhension aussi, se tisse entre le fils et son père. Voici donc un objet filmique étrange et fièvreux qui ne peut laisser indifférent.

La projection achevée, pas le temps de trainer : direction le Rex pour la suite des projections quotidiennes. Le programme continue avec une collection de trois courts métrages intitulée French Touch et qui est l’occasion de mettre un coup de projecteur sur trois jeunes réalisateurs français.

FRENCH TOUCH : VIVA DELORME, JEAN-SEBASTIEN CHAUVIN, YANN GONZALEZ

Quoi de neuf dans le jeune cinéma français ? Voici trois courts métrages, bien différents, avec pour thème principal ou de fond la question gay.

On commence avec Mon printemps talon hauts qui n’est autre qu’une petite tranche de vie d’une jeune lesbienne, prénommée Zoé. Nous la suivons lors d’une soirée tendue où elle dine chez son père qui lui a tendu un piège : sa mère arrive pour le dessert. Hors la mère et la fille sont en froid…Zoé est une fille androgyne, un passant dans la rue la confondra d’ailleurs avec un garçon, un beau garçon. Mon printemps talon hauts est donc le portrait d’une jeune lesbienne qui a du mal à imposer son identité à sa famille et qui semble chercher sa place dans la société. La réalisation est sobre, discrète, ce qui ne l’empêche pas d’être d’une certaine beauté. Reste que le scénario est assez anecdotique, qu’on a finalement peu le temps de s’attacher à Zoé et que ce qui lui arrive n’a finalement rien de bien folichon.

La programmation continue avec le court métrage du critique Jean-Sébastien Chauvin. C’est sa première vraie œuvre de cinéma et il a eu la chance de la présenter cette année à Cannes à la Semaine de la Critique. Les filles de feu est un trip esthéthisant, une histoire d’amour et de jalousies entre filles. Dès les premières secondes, le jeune réalisateur déploie des plans de toute beauté, pose avec force son lieu (personnage à part entière) , flirte avec le film de genre tout en restant sur un sujet très sentimental et sensible. Si la réalisation laisse présager du meilleur pour la suite, le scénario reste par moments assez maladroit (on pense notamment à ce monologue au coin du feu, borderline à souhait). A suivre…

Last but not least, le moyen métrage de Yann Gonzalez, Je vous hais petites filles. Je l’avais déjà vu à Cannes, à La quinzaine des réalisateurs et j’avoue avoir été emballé par le projet. J’avais d’ailleurs interviewé Yann Gonzalez et son actrice/muse Kate Moran pour Radio Campus. Deux personnes vraiment simples et très sympas. Deuxième vision donc, et toujours le même enthousiasme. Yann Gonzalez, à qui je souhaite vraiment de réaliser très vite son premier long métrage, est un véritable auteur avec un véritable univers. Je vous hais petites filles nous emmène dans le quotidien intemporel et désillusionné de Kate qui doit faire face à la mort d’un de ses amants, le seul à l’avoir fait jouir comme jamais. Entre scène de masturbation enragée, soirées branchouilles et pseudo punks, plans culs sans grand intérêt et chocs des générations : le moyen métrage de ce jeune cinéaste est une bouffée d’air frais dans la production française. De l’audace, un poil d’insolence, des plans travaillés et de toute beauté qui s’allient avec un ton décalé et décomplexé. Pendant 43 minutes, il nous emmène dans un ailleurs, nous fait vibrer, rire, et ne cesse jamais de nous surprendre. J’avais beaucoup aimé ses courts précédents, By the kiss et Entracte, et j’ai grande hâte de découvrir la suite !

A l’issue des projections, les réalisateurs (sauf Yann Gonzalez, en déplacement) étaient là pour répondre aux questions du public. Les producteurs de Je vous hais petites filles ont souligné la difficulté qu’ils ont eu pour monter leur projet, le format de moyen métrage étant assez difficile à vendre. Pour eux, il y a un réel écart entre ce que disent les diffuseurs/financeurs et ce qu’ils appliquent. On demande de la créativité, des jeunes auteurs avec des idées nouvelles. Mais dès que l’on propose quelque chose de vraiment différent, on est mis de côté. La preuve ? Sur les trois courts métrages présentés ce soir, le seul financé par une chaine télé (France 3) est celui de Viva Delorme. Autrement dit le moins risqué, le plus lisse. Yann Gonzalez avec son côté underground a dû se démener pour mener à terme son projet. Le résultat parle de lui-même et espérons qu’à l’avenir il bénéficiera d’une plus grande confiance.

Fin de soirée au Rex avec la présentation d’un documentaire amusant et politique : Soudain l’hiver dernier.

SOUDAIN L’HIVER DERNIER

 

Gustav Hofer et Luca Ragazzi forment un couple homosexuel des plus harmonieux. Habitant ensemble depuis des années, ils sont ravis de découvrir qu’un projet de loi est en route : le DICO (grosso modo l’équivalent du PACS en Italie). Problème : l’idée de légitimer les couples homosexuels en leur donnant les mêmes droits que les hétéros n’est pas du goût de tout le monde. Dans une Italie où le Vatican a une influence déconcertante, les opposants à cette loi se font de plus en plus nombreux. Ensemble, Gustav et Luca vont partir filmer la mise en place de cette loi importante et recueillir l’avis des italiens lors de différentes manifestations. Aux discours des extrémistes et des fanatiques se mêlent des tranches de vie du couple, qui perd peu à peu espoir d’être reconnu dans leur société…

Soudain l’hiver dernier dresse un portrait assez triste d’une Italie fermée et conservatrice. Pour de nombreuses personnes, l’homosexualité est acceptable tant qu’elle reste dans le domaine privé mais devient un problème quand elle se prend au sérieux. Reconnaître aux couples gays des droits, serait pour bon nombre de personnes une insulte aux valeurs de la famille voire ,pour certains, un danger pour l’évolution de l’humanité ! Car, c’est bien connu, si on tolère trop de choses aux gays, tout le monde va devenir homo et il n’y aura plus de procréation (no comment !)

La bonne idée de ce documentaire est de ne pas se prendre trop au sérieux. Face aux discours affligeants des opposants au passage de la loi du DICO, s’insèrent des scènes de la vie conjugale de Gustav et Luca, véitable concentré de bonne humeur. Préférant présenter les choses sur le ton de l’humour et de façon très ludique, les deux réalisateurs ne nous plombent jamais et livrent au final une œuvre attachante et engagée.

Suite à la projection, le débat fut animé (certains spectateurs étant d’anciens italiens, ils ont tenus à souligner le propos du film et le véritable problème que pose l’influence grandissante du Vatican sur la politique). A l’image de leur projet, les deux réalisateurs ont été très disponibles, humbles et sympathiques. Une belle rencontre autour d’un beau documentaire dont la diffusion télé est prévue début janvier 2009 sur Arte.