Les caves se rebiffent. Contre toute attente Ségolène Royal remporte nettement la consultation des militants socialistes en vue du Congrès de Reims. La demande de renouvellement des personnalités et des idées aura été plus forte que les tentatives de verrouillage des anciens réseaux. La vraie victoire revient toutefois au PS seule grande formation politique française réellement démocratique qui même au fond du trou est encore capable de surprendre.
Les militants socialistes, à l’instar des Français veulent renouer avec le rêve et l’espoir. Trois décennies plus tard l’ancien slogan « changer la vie » du titre de l’ancien hymne du PS adopté au congrès de Nantes en 1977 trouve une nouvelle modernité.
Il aura fallu attendre 2h30 ce matin pour que le porte-parole du PS Stéphane Le Foll proclame les résultats officiels: Royal (29%), Delanoë (25 %), Aubry (24,42 %), Hamon (19 %). Du côté du Maire de Paris on est sous le choc. Le camouflet est réel à Paris intra-muros Bertrand Delanoë récolte moins de 40 % des voix. Le caustique François Hollande et ses onze douloureuses années à la tête de Solférino aurait-t-il eu un effet repoussoir ?
Peu importe au fond l’échec de Ségolène Royal lors des présidentielles. Les militants auront surtout retenu sa présence sur le terrain, sa capacité à rendre chèvres les éléphants et à ouvrir tout grand des portes et fenêtres verrouillées à double tour. La relève générationnelle portée par les motions Royal mais aussi Hamon en atteste clairement. « Les militants veulent du changement » a claironné Patrick Mennuci laissant entrevoir une alliance possible avec la motion Hamon pour s’emparer du PS.
Les alliances, c’est justement la deuxième manche et la plus délicate. Dix longues journées pour trouver un accord afin de constituer une majorité au congrès de Reims. François Hollande ce matin a prévenu dès l’aurore : Ségolène Royal n’est pas majoritaire. Benoît Hamon auréolé de son score entend lui faire monter les enchères. Il évoque une quatrième position pleine d’espoir”, et clame crânement qu’il n’a nullement l’intention de jouer les « supplétifs » à Reims.
Invitée ce matin de Nicolas Demorand sur France Inter, Ségolène Royal a dévoilé sa stratégie. La présidente de la région Poitou-Charentes a insisté sur le fait que « quelque chose avait bougé », que le résultat atteste « d’une volonté profonde de changement » et qu’il faudra que le vote des militants soit respecté. « Ce résultat me donne une légitimité », « cette victoire me donne le devoir de mettre en mouvement le PS ».
Faut-il en conclure que Ségolène Royal sera candidate à la succession de son ex-compagnon ? Le flou demeure. « Je n’en fait pas un préalable », « je ne veux pas faire acte de candidature avant d’avoir appelé les autres responsables de motion ».
Pourtant, des contacts ont déjà été pris. « Il va falloir discuter ». Ségolène Royal se pose en rassembleur même si elle en refuse l’appellation. Son idée est simple : « constituer la meilleur équipe possible ». « Je pense qu’il faut rechercher l’alliance avec tout le monde dans la perspective d’une équipe cohérente ».
Ségolène Royal aspire à la constitution d’une dream team « je veux rassembler tous les talents ». Une sorte de shadow cabinet avec des responsabilités bien identifiées, susceptible d’offrir une opposition efficace à Nicolas Sarkozy et de faire émerger des propositions.
La présidente de région semble déterminée à jouer collectif, consciente « qu’une personne ne peut réussir seule » et esquisse l’embryon d’une méthode avec la « nécessité d’une discipline et d’une délibération collective respectueuse des identités de chacun ».
Pas sûr que la recette et la cuisinière plaisent à tout le monde. Pas à Michel Rocard en tout cas qui symbolise bien l’état d’esprit d’une partie des militants. L’ancien Premier ministre, partisan de Bertrand Delanoë, n’a pas exclu, de façon peu élégante, le 29 octobre dernier de quitter le parti socialiste si Ségolène Royal devait remporter le congrès de Reims. « Je vais fêter l’an prochain mes soixante ans de parti. J’ai tout endigué : la guerre d’Algérie, les trahisons de Guy Mollet, la folie des premières nationalisations de 1981 qui ont failli mettre notre économie à genoux. On a digéré beaucoup de choses ». Mais « c’est vrai que ce résultat ne me ferait pas plaisir ». Partir du PS « ce n’est pas des décisions qu’on prend tout seul, ça dépend des conditions, ça dépend de ce qui va être dit au Congrès. Elle a encore le temps de faire des bons discours, on ne sait jamais. Elle a aussi le temps d’en faire de mauvais ».
Michel Rocard fera bien ce qu’il veut. Ségolène Royal a prévenu les caciques, le renouvellement générationnel sera incontournable « tout le monde est utile, mais pas en première ligne ».