Dans le cahier « Paris » du Parisien d’hier, un article sur le collectif « le rade » qui veut préserver ou plutôt soutenir les rades parisiens contre l’invasion des bars « lounge » dans la capitale. Ce collectif sympathique appelle plusieurs commentaires au regard de notre vif intérêt pour le « concept bobo ».
Un effet générationnel
Les « rades » correspondent souvent à un souvenir de la jeunesse des trentenaires, classe d’âge qui représente une grande majorité des bobos, et jeunesse qui, dans les annés 80-90, a fréquenté avec assiduité les troquets parisiens. Et c’est vrai que les banquettes en sky, les carreaux par terre, les lumières orangées, les cacahuètes avec traces d’urines et parfois la sciure par terre étaient de mise. On y sirotait à toute heure un demi et le canard était toujours à portée de main. La patronne ou le patron gardaient un œil amical mais vigilant sur la clientèle,faisaient la discussion. Bref, que des bons souvenirs.
Attention à l’aspect Canada Dry
Ces bars ont-ils disparu ? Pas si sûr… Le collectif le rade a raison de s’inquiéter de l’invasion des bars lounge, mais il faut aussi se méfier des apparences car n’est pas lounge qui veut… Autant la jeunesse, parfois bourgeois-bohème, aime se retrouver dans ces vastes bars à la décoration parfois épurée, parfois exagérément chargée, autant de nombreux bars d’apparence lounge ne le sont en fait pas du tout !
En effet, ce que l’on constate - à Paris en tout cas - c’est une uniformisation des décorations de bars, issues de l’inspiration lounge bien sûr, avec, en gros :des armatures et meubles plutôt noirs, des tentures et tissus violets, des lumières moins crues voire tamisées, l’apparition parfois du velours sur les sièges, des écritures dorées et, pour les plus audacieux, l’apparition derrière le bar - juste pour la déco - de bouteilles de vodka Absolut à côté de la bouteille de Ricard (notez que c’est le même groupe…).
Mais les consommateurs, ont-ils changé ? Très souvent non. Ce sont les mêmes, exactement les mêmes, avec leurs mêmes habitudes, les mêmes discussions, les mêmes horaires… Il faut donc distinguer le phénomène de fond, le boboïsme, de la simple tendance décorative, de mode.
Le troquet victime de son look
On note aussi que les bobos sont aujourd’hui de plus en plus attirés par ces des bars, bistrots troquets qui n’ont pas encore refait la déco. On y recherche, même avec un ordinateur Mac sous le bras, une « authenticité », la possibilité de faire un tiercé ou un Loto et surtout, la présence « d’ouvriers », de « retraités », de « chômeurs », …pas comme si on était au musée mais fondamentalement, pour rechercher ce qu’ils ont perdu, leur jeunesse. Quoiqu’il en soit, ce mouvement peut-être plus générationnel que bobo, s’estompera certainement dans quelques mois au profit d’une autre recherche d’authenticité (bal musette, usine… qui sait ?) car :
- - les quadras ont des enfants, il faut s’en occuper,
- - les bobos se lasseront des discussions sur le PSG et l’OM, des pronostics de la prochaine journée de Ligue 1,du ballon de côtes du Rhône frais, de la Record tiède et pâteuse et préfèreront s’émanciper ailleurs, Dieu sait où !
François