Brochette des dernières parutions.
Il y a bientôt un an, François Bon détaillait sur son site son projet d'agence littéraire numérique qui dispose déjà d'un nom, d'une adresse, d'une marque de fabrique : Publie.net. Cet article expliquait déjà les premières perspectives visées par le projet, doublé d'une analyse précise du marché actuel et à venir concernant le livre numérique. Les nouvelles générations de liseuses débarquaient sur le marché et l'expérience américaine montrait qu'il était possible de s'engouffrer dans la brèche. Ambition affichée par Bon à l'époque : explorer ce nouveau marché, Arlésienne des années 2000, pour le mettre au service du texte numérique contemporain. Près d'un an plus tard, les gros se sont aussi lancé dans l'aventure : Gallimard et plus récemment la Fnac, ont, par exemple, lancé leurs plateformes de livres numériques. Prix de vente exactement identique au livre papier (les frais d'impression, de stockage ou d'expédition seraient-ils pris en compte dans le prix d'un livre numérique ? étrange, pour ne pas dire choquant), mise en page sacrifiée alors même que le confort de lecture sur écran en dépend, deux points noirs irréversibles qui nous ramènent vers Publie.net, qui a au moins l'avantage de ne pas prendre le lecteur-consommateur pour un c|
Très rapidement, plusieurs impératifs s'imposent et structurent l'aventure. D'abord, un prix de vente accessible qui n'excède jamais le prix d'un livre poche avec deux formats présentées : les formes brèves (20 à 30 pages) proposées « au prix du journal », soit 1,30€ et le gros du catalogue, les « plus de trente pages » (souvent bien bien plus) au prix unique de 5,50€. Autre certitude : le refus du drm, ces verrous numériques qui ont fleuris avec l'arrivée de la vente légale de musique en ligne qui entrave l'utilisation du fichier téléchargé. Ici, la confiance est offerte à l'utilisateur. On n'oublie pas, non plus, que la vie du livre papier file de la même façon, avec possibilité de passer de main en main selon les conseils d'amis et autres recommandations. Enfin, la mise en place d'un système qui garantit que sur l'achat d'un livre-fichier, 50% du prix de vente sera directement touché par l'auteur, les cinquante autres servant à faire tourner la machine. Trois principes de base sur lesquels repose la plateforme, toujours d'actualité aujourd'hui, près de d'un an et quelques deux cents textes plus tard.
Ma tante Sidonie en lecture écran via Adobe Digital Editions.
Voilà pour hier. Aujourd'hui la v2, avec refonte totale du système de commandes et réorganisation ergonomique du design (avec nouveau logo et charte graphique pour les couvertures très réussie, coup de cœur pour les couvertures-radiographies). La création d'un compte est désormais possible, avec bibliothèque personnelle contenant les livres précédemment téléchargés. Plus besoin de délais entre l'instant de la transaction et le moment où l'on peut télécharger le livre, ce qui était un peu agaçant, le fichier est désormais disponible dans la seconde, en plusieurs formats qui plus est, selon que l'on souhaite le lire sur ordinateur classique ou sur liseuse. Apparition également, d'offres promotionnelles pour séduire le lecteur sceptique : deux livres offerts (Autoroute de François Bon et le Contre Sainte-Beuve de Proust) pour toute ouverture de compte avant le 10 novembre, un livre gratuit pour cinq achetés... toujours appréciable.
Oui mais sur Publie.net, qu'est-ce qu'on lit ? Des textes qui n'auraient pas forcément pu trouver leur place par le biais de l'édition traditionnelle, des textes qui prennent le risque d'explorer une littérature peu rentable, mais aussi des auteurs importants, par exemple Eric Chevillard, Chloé Delaume ou Emmanuelle Pagano, des textes critiques comme celui de Dominique Viart cité il y a quelques semaines, des incontournables du domaine public (pas toujours bien composés lorsqu'ils sont lâchés sur les habituels sites de partage) et des fragments de laboratoire d'écrivains, des journaux ou blogs recomposés pour découvrir l'envers du travail d'écriture. Un peu moins de deux cents textes disponibles cela veut dire aussi beaucoup de diversité, de choix, de perspectives.
Jacques Josse en lecture sur Eeepc (même si plus de batterie).
Un gros bémol cependant, car si je reste persuadé qu'une plateforme de ce type est indispensable à l'heure actuelle, que le texte numérique doit pouvoir se développer en parallèle du livre papier, je suis sceptique quant à la clause du contrat établi avec ces auteurs numériques qui permet de retirer un fichier du site dès qu'on le souhaite, c'est à dire, souvent, en cas d'édition papier plus traditionnelle. Et d'une, c'est agaçant pour le consommateur que je suis qui se dit pendant six mois « un jour ou l'autre je me le prendrais bien celui-là » et puis qui, un jour ou l'autre, découvre que son fichier n'est plus en ligne, et de deux, c'est surtout un bien curieux message à envoyer : celui que le livre numérique serait une littérature par défaut, un intermédiaire « en attendant mieux », en attendant l'édition papier.
Reste que l'offre proposée par Publie.net, personne ne la propose ailleurs : une plateforme bien rodée, quelques deux cents textes d'ors et déjà disponibles et l'apport éditorial d'une équipe qui ne publie pas n'importe quoi. Les tarifs sont honnêtes et ne font pas semblant de nier la réalité pratique des fichiers mobiles. L'offre s'étend aussi, depuis quelques temps, vers des abonnements spéciaux pour les bibliothèques qui commencent à suivre. Le tournant numérique se joue sans doute en ce moment, tant pis pour les Gallifnac qui le prennent de travers. Pendant ce temps, Publie.netcontinue d'avancer.