Je-Dis de Gbeton --- Volume II --- Numéro 19 --- 6 novembre 2008
CE QUE JE DIS
Nous sommes habitués à voir des leaders charismatiques qui drainent des foules immenses. Du coup, la tendance est grande de confondre leadership et popularité. Les valeurs du leader sont alors sacrifiées sur l'autel des sentiments, du favoritisme et de l'excès de liberté. Toutes choses qui m'amènent à dire avec Bruce Rector : «Le leadership n'est pas un concours de popularité : fais ce qui est juste et tu seras un grand leader.»
Il faut se garder de trois fautes : parler sans y être invité, ce qui est impertinence ; ne pas parler quand on y est invité, ce qui est de la dissimulation ; parler sans observer les réactions de l'autre, ce qui est de l'aveuglement. -- Confucius
C'est leur pertinence qu'on reproche aux impertinents.
-- Claude Frisoni
POURQUOI JE LE DIS
Imaginez que vous êtes au cœur d’une situation embarrassante, un sujet tabou devenu un secret de polichinelle. Tout le monde le sait, mais personne n’ose en parler. Pourtant cela travaille contre vous. Impertinence n’est-ce pas ? Quelle sera votre réaction pour sortir de cette mauvaise passe ? Allez-vous oser en parler pour vous défendre et fendre le tabou ? Ou allez-vous garder le silence en comptant sur le pouvoir de l'oubli ?
Il est des situations où le silence est éloquent, bruyant, assourdissant. La nature ayant horreur du vide, le silence conduit à des interprétations et rumeurs aggravantes pour vous. Un silence coupable forcément dans ces cas là.
Seul moyen, oser en parler mais surtout bien en parler. En m’inspirant de la manière dont Barack Obama, le candidat atypique aux élections américaines, a triomphé de son identité floue, de son cosmopolitisme bien peu Américain pour enfin être élu le 4 novembre 2008, comme le premier président afro-américain, je dégage trois des stratégies clés.
AVANT TOUT, BIENVENUE AUX NOUVEAUX ABONNES :
- Moses, logisticien à Dakar
- Papa Sadio, Financier à Nara (Mali)
Assumer pour transcender
Dans un pays où 25 % de la population a un ancêtre noir, le sujet pèse très lourd, hante les esprits et demeure très souvent tabou. Quelle impertinence d'en parler ! Peut-on assumer sa « race » en politique sans attiser les inquiétudes raciales de l’ethnie dominante ? Peut-on s’assumer noir sans broyer du noir ?
Au contraire d'un Michael Jackson qui passe d'une pau noire à une peau blanchie, d'un nez aplati à un nez aquilin ou encore de cheveux crépus à des cheveux défrisés, Obama reste vrai. Pour lui, la seule issue pour sortir de l’impasse est de parler, d’assumer son identité, de la préserver et de la transcender.
Dédramatiser pour rendre acceptable
L'expérience dite de la grenouille chauffée (visiter le lien ) montre que, lorsqu'un changement s'effectue lentement, il échappe à la conscience et ne suscite la plupart du temps aucune réaction, aucune opposition, aucune révolte car l'esprit s'y habitue. De la même manière, notre perception s'altère lorsque nous sommes longtemps soumis à des situations a priori inacceptables.
Dans le film LA DERNIERE PREUVE de Randal Kleiser, Kitt Devereux est une avocate renommée et brillante qui a bâti sa réputation en défendant des meurtriers et des violeurs. Son secret ? Imposer aux jurées et à l'assistance les images atroces des crimes, jusqu'à l'accoutumance, à la dédramatisation, à la tolérance. Ainsi, l'impertinence devient « acceptable » par une sorte de banalisation.
Et c'est ce que fait Barack Obama .Tout au long de la campagne, de la
Philadephie à l’Iowa, de la Californie à Berlin, de l'Est à l'Ouest, du Nord au Sud, Obama ne manque aucune occasion pour être le premier à rappeler ses origines noires et sa condition d’américain ordinaire. Son but est de banaliser les sujets tabous pour en faire un avantage comparatif et transformer ce qui pouvait être considéré comme un défaut, une faiblesse, une tare en une qualité, un atout, une force qui l'ont propulsé vers la victoire. Ce faisant, il évite les débats inutiles et invite ses adversaires sur le terrain économique où la situation est à son avantage.Transformer une faiblesse en force
Après avoir rappelé ses origines modestes et noires, Obama affirme « ... et jusqu’à mon dernier jour, je n’oublierai jamais que mon histoire n’aurait été possible dans aucun autre pays du monde . » Puis il conclut : « C’est une histoire qui ne fait pas de moi le plus conventionnel des candidats, mais c’est une histoire qui a, de façon indélébile, imprimé dans mes gènes l’idée que ce pays représente plus que la somme de ses parties – que nous tous qui le composons, nous ne formons, en réalité, qu’un.» N'est-ce pas là une qualité reconnue à l'Amérique? Son discours « Une Union plus parfaite » (lire le texte) traite de manière remarquablement précise et positive la question raciale.
Son origine cosmopolite, Obama l'utilise pour montrer comment cela lui permet de passer de son statut de noir à celui de post-racial c'est-à dire au-delà des clivages ethniques traditionnelles. Cela lui permettra également de diriger les USA avec une perspective globale et une diversité de vues puisqu'il affirme « J’ai des frères, des sœurs, des nièces, des neveux, des oncles et des cousins de toute race et de toute couleur de peau, dispersés sur trois continents »
Au total, Obama s'illustre en prototype du rêve américain réalisé. Il s’illustre comme l'incarnation de la légende américaine selon laquelle tout citoyen, s'il le veut, peut réussir tout ce qu'il entreprend. Il explique aux américains que eux aussi peuvent réussir : « YES WE CAN ! », clamait-il.
ALORS, l'expérience « obamienne », ne nous montre-t-il pas que le silence n'est pas toujours pertinence face à une impertinence ? N'est-ce pas sa stratégie qui permet à Obama de triompher de Hilary Clinton au cours des Primaires, dans un Etat comme l’Iowa, où la population est presque totalement blanche ? Comment comprendre que parti de presque rien, Obama détient aujourd'hui presque tout ? Comment expliquer qu'après avoir vécu dans l'un des pays les plus pauvres de la planète (l'Indonésie) Obama va maintenant diriger le pays le plus puissant au monde ?
EN DEFINITIVE, allons à l'école d'Obama, et tirons toutes les leçons de son histoire. En particulier, osons assumer notre identité pour la transcender, osons dédramatiser les impertinences pour les rendre acceptables et pertinentes, osons transformer nos défauts en qualités.
Claude Frisoni en affirmant : « C'est leur pertinence qu'on reproche aux impertinents. » n'indiquait-il pas déjà que le candidat post-racial se révèlerait plus pertinent aux yeux des électeurs américains par son audace à traiter des sujets impertinents ? Le 4 novembre 2008 ne lui a-t-il pas donné raison ? En tout cas, Obama lui même avait dit : « Ma conviction découle de ma foi inébranlable dans la droiture et la générosité du peuple américain. Mais elle provient aussi de ma propre histoire américaine. » N'est-ce pas s'assumer jusqu'au bout ?
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BE BETTER :
La parole enseigne, l'action entraîne.
A jeudi prochain, si Dieu le veut
Gbèton.
Libellés : Impertinence, Obama, responsabilité, Stratégie