Quatre nuits avec anna

Par Rob Gordon
C'est l'histoire d'un type qui passe ses nuits à espionner sa voisine d'en face, dont il est follement amoureux. Il finira même par aller plus loin, entrant par effraction dans la misérable chambre de la nommée Anna pour y passer, à son insu, quatre nuits à ses côtés. Quatre nuits avec Anna est une fable pathétique sur la solitude, le désir, l'enfermement sur soi. Les dialogues s'y font rares, puisque le héros voyeur est souvent seul en scène. Si ce film était une couleur, ce serait le gris, qui est de tous les plans, tous les décors, toutes les attitudes. Pas franchement guilleret, le film de Jerzy Skolimowski est pourtant ponctué de séquences gentiment burlesques, qui l'empêchent de n'être qu'un film cafardeux.
Car Skolimowski a beau avoir un vrai regard, il ne peut s'empêcher de foncer droit dans le pathos et les clichés sur son propre pays. Alcool et pauvreté dominent, enveloppés dans une mélancolie tirant sur le misérabilisme. Quant à la fameuse Anna, fantasme ultime du pauvre Leon, c'est typiquement le cliché de la fille de l'Est aux formes plus qu'arrondies. On imagine aisément l'envie du réalisateur de créer un décalage à partir de ce fait, comme lorsque chez van Warmerdam les grosses dondons font l'objet de toutes les convoitises. Mais les ficelles sont trop grosses et les intentions trop visibles pour réellement convaincre. Le cinéaste polonais, qui n'avait rien tourné depuis quinze ans, n'a pas le style des scandinaves comme Bent Hamer, qui se serai régalé d'une telle histoire.
Mais Quatre nuits avec Anna est avant tout un film sur la fascination amoureuse, et montre parfaitement comment une obsession peut ruiner une vie entière. Skolimowski peut compter sur Artur Steranko, excellent, qui fait de Leon un personnage complexe aux agissement tortueux. On pouvait cependant attendre beaucoup mieux de la part du scénariste du Couteau dans l'eau, qui a montré plus d'une fois le potentiel de perversion qui est le sien.
5/10
(également publié sur Écran Large)