Un vent de révolte souffle actuellement sur les montagnes de Darjeeling et sur toute la partie himalayenne du Bengale occidental. Le festival de Dasera (la victoire du bien sur le mal…) a été, pour les habitants de la région, l’occasion de célébrer leur culture mais aussi, et surtout, un message politique envoyé au gouvernement central de l’Inde. Il y a dix jours les manifestations ont dégénéré. Personne n’a été blessé mais une ambulance a été incendiée et des pierres ont été lancées sur des bâtiments publics.
Toute cette région, à l’extrême nord de l’Inde, appartenait historiquement au Sikkim, un petit royaume qui est resté indépendant jusqu‘en 1975. L’armée du Raj britannique a toujours été présente sur ce territoire stratégique, coincé entre le Tibet, le Népal et le Bouthan et l’Inde indépendante y a également maintenu des troupes… jusqu’à l’annexion pure et simple il y a 33 ans. Pour éviter le massacre de son peuple, le Chogyal (roi) a renoncé à la couronne et consenti à ce que le Sikkim devienne un État indien à part entière. Une fois intégré à l’Union indienne, le Sikkim a été divisé, la région de Darjeeling rattachée au Bengale Occidental.
« Mon peuple souffre d’une crise identitaire, m’explique Chinlop Prasad, que je croise dans une manifestation. Nos ancêtres Gorkhas venaient du Népal mais nous sommes nés et nous avons grandi ici, en Inde. Aucun des deux pays ne nous reconnaît comme ses enfants. Nous réclamons un État indépendant au sein de l’Union indienne, “le Gorkhaland”, car nous ne nous sentons pas Bengalis. Nous avons notre propre langue (le Népali), une religion (le bouddhisme) différente de celle de la majorité des Indiens qui sont hindous.»
Puisque leurs revendications sont, pour le moment, ignorées par le gouvernement indien, le peuple a décidé de créer un État dans l’État, au moins symboliquement. De grandes pancartes souhaitent la bienvenue aux visiteurs dans le “Gorkhaland”, le drapeau flotte partout et des affiches indiquant « vous êtes ici au Gorkhaland » trônent à l’entrée de tous les magasins.
Un parti politique a été créé en novembre 2007 par Bimal Gurumg, le Gorkha Janmukti Morcha (GJM), le “Front de libération du peuple Gorkha”. Suivant la doctrine de Gandhi, il pratique la désobéissance civile : depuis plusieurs mois personne ne paie ses factures d’électricité à l’État du Bengale. A la fin du mois, les dirigeants du Parti doivent rencontrer des représentants du gouvernement central. Les Gorkhas espèrent beaucoup de cette rencontre…