- Hein ? Mais ! Que vous est-il arrivé ?
- C'est... compliqué.
- Allons, reprenez votre souffle.
- Merci.
- Dans l'état où vous êtes, vous auriez pu aller directement à l'hôpital...
- Je ne voulais pas être en retard.
- Oui je comprends bien, mais le fait est que vous l'êtes. Et largement.
- J'ai fait de mon mieux !
- Je n'en doute pas. Et si vous me racontiez ?
- D'accord. Ce matin, comme tous les matins, j'ai calculé le temps qu'il me faudrait pour arriver largement à l'heure.
- En avance donc.
- Oui, mais pas trop, je ne voudrais pas vous perdre.
- C'est sûr que ce serait un choc pour moi.
- Voilà. Donc je suis parti, normalement, à une heure raisonnable.
- Avec la voiture de la société.
- Exactement. Elle est plus rapide, plus maniable, et pour venir travailler, ça me semblait logique.
- En effet.
- Je suis passé par l'extérieur, car j'ai remarqué qu'à cette heure là, le centre ville est bondé.
- Oui, en fait c'est le cas dans la plupart des villes, à l'heure de l'embauche. Mais pardon, vous n'y êtes sans doute pas habitué, continuez.
- Sur la route, j'ai croisé quelques feux.
- Des incendies ?
- Non non, des feux normaux, vert orange rouge, comme d'habitude quoi.
- Ah, des feux tricolores.
- Ben oui, sur la route il y en a partout. Je suis habitué à ça.
- C'est bien, c'est bien.
- Et il y a un feu, à un moment, qui passe devant une banque. Au niveau du pont du quartier industriel.
- Oui, je vois.
- Le feu était rouge, je me suis donc arrêté.
- ...
- ...
- Vous attendez une réaction de ma part ?
- Non non, je réfléchissais.
- Ah, pardon.
- Voilà, je me suis donc arrêté, et là, d'un coup, un type assez peu sympathique s'est introduit dans mon véhicule.
- Pourquoi faire ?
- Pour s'enfuir je crois.
- Mais, fuir quoi ?
- Et bien fuir avant l'arrivée de la police.
- Vous voulez dire que...
- Oui, il avait un sac plein d'argent avec lui. Au début je me suis posé la question. Vous savez, la méfiance face à l'inconnu, le sac plein d'argent, l'alarme de la banque qui hurle, les gens qui courent partout.
- J'aurais eu des doutes moi aussi, effectivement.
- Ce n'est que quand il a braqué son revolver sur ma tête que j'ai compris.
- Assez rapidement donc.
- Non, seulement quand j'ai refusé de prendre l'autoroute.
- Ah mais parce qu'avant...
- Avant il était très gentil. Un peu rustre, mais vous savez, les gens, de nos jours, toujours stressés, tout ça.
- Oui je vois.
- Surtout que derrière il y avait des voitures de police qui nous poursuivaient depuis déjà bien cinq minutes.
- Ah oui quand même. Ca ne vous a pas inquiété.
- C'est ce que je disais. Dès qu'il a sorti son revolver, là, avec tout ce qu'il se passait autour, j'ai compris qu'il ne s'agissait pas d'un auto-stoppeur habituel.
- C'est le moins qu'on puisse dire.
- Et comme il m'a forcé à prendre l'autoroute alors que la bretelle était derrière nous, j'ai été obligé de prendre appui sur la butte pour me propulser jusqu'à la voie rapide.
- Et ça a marché ?
- Pour moi oui.
- C'est à dire ?
- Et bien je suis retombé sur l'autoroute. Par contre, la voiture et le monsieur au pistolet sont allés s'écraser dans le ravin de l'autre côté.
- La voiture... celle de la société donc ?
- Exactement. Mais moi ça va, je suis encore vivant c'est l'essentiel.
- Admettons. Vous êtes donc retombé sur l'autoroute ?
- C'est cela même. J'ai d'abord dû éviter quelques autos qui roulaient bien trop vite, puis je me suis réfugié derrière la glissière et j'ai redescendu la butte pour revenir sur la bonne route. Et comme un bus passait, je l'ai emprunté pour venir jusqu'ici.
- Quelle journée !
- Et encore, il est à peine onze heures.
- Bon, et bien, j'imagine que je ne vous verrai pas plus longtemps aujourd'hui.
- Ca me semble difficile.
- Je peux faire quelque chose de plus ?
- Oui, si vous pouviez m'appeler une ambulance. A moins que je prenne votre voiture ?
- Je vous appelle l'ambulance immédiatement, ne vous inquiétez pas. Et puis, je préfère vous savoir en de bonnes mains vous comprenez.
- Ca ne fait aucun doute. Merci.