Le déclin de l’Amérique, Zaki Laïdi n’y croit guère. Sur le site Telos dont il est l’un des fondateurs, ce directeur de recherche à Sciences Po écorne ce qui ressemble à une idée reçue. Si le modèle financier international vacille, les pieds du colosse USA ne sont pas en argile.
Zaki Laïdi relève à l’inverse, outre atlantique, une étonnante capacité d’encaissement. 1971 :la fin de la parité or du dollar, le bourbier Vietnamien en 75, la récession de 82 et, en 1987 la thèse du fameux « overstech », c’est-à-dire de la surexposition politique des États-Unis au regard de leurs ressources financières déclinantes.
La thèse de Zaki Laïdi est intéressante car, elle part du postulat qu’il n’y aurait pas de corrélation inévitable entre puissance politique et puissance économique. L’auteur relève que, à l’inverse de l’Europe, la puissance américaine connaît une impressionnante stabilité sur le plan matériel.
Le PNB américain représente 19 % du PNB mondial en 2008 contre 21,2 % en 1980. L’exceptionnelle émergence de la Chine passée de 3,2 % à 16,6 % sur la même période se serait essentiellement faite au détriment de l’Europe, dont le poids est passé de 29 % à 20 %. Politiquement, la mondialisation représente le passage d’un système bipolaire simple à multipolaire complexe. Elle incarne également un transfert de richesses entre différentes régions du monde. Pourtant, Zaki Laïdi rejette l’idée que le poids croissant du déficit courant atteste d’un pays vivant au-dessus de ses moyens qui sera obligatoirement contraint à terme de rentrer dans le rang.
A ses yeux, « l’ajustement inévitable » n’aura jamais lieu.« Non seulement il n’a pas eu lieu mais il n’a, pour le moment, aucune raison d’avoir lieu. À cela il y a une raison simple : le monde regorge d’épargne. Or les flux de cette épargne défient toutes les règles de l’économie classique. Au lieu d’aller des pays riches vers les pays pauvres ou émergents, où la rentabilité du capital est en théorie plus forte, ils se dirigent vers le pays le plus puissant du monde. Pourquoi ? Parce que les États-Unis sont un vaste marché où les opportunités sont considérables, où les garanties juridiques apportées à la création de valeurs ne sont pas moins grandes et où tous les facteurs économiques favorables à la création et à l’innovation sont renforcés par la croyance en la puissance politico-stratégique des États-Unis. Ces derniers sont donc à la fois un grand marché et une grande puissance et ces deux facteurs se renforcent mutuellement. »
Si l’Amérique vit à crédit, Zaki Laïdi estime que ses deux principaux banquiers, le Japon et surtout la Chine, n’ont aucun intérêt à mettre fin à cette situation. Le premier serait tenu par son vieillissement démographique le second par un système totalement dépendant d’une forte croissance assurée par ses exportations, gage de sa stabilité intérieure.
De là à conclure que la situation est figée, il y a un pas. La démonstration brillante du professeur de Sciences Po omet un acteur discret mais essentiel : la planète. Les extraordinaires croissances économiques notamment des pays émergents se sont souvent construites au détriment de l’environnement.
Rien n’indique que le modèle actuel reposant sur le maintien d’un niveau de croissance élevé soit viable. La convergence actuelle des intérêts sino-américain pourrait en pâtir. Hier mauvais élève sur la question du réchauffement climatique, les USA d’Obama, à l’image de l’audacieuse politique environnementale d’Arnold Schwarzenegger gouverneur de Californie, pourraient prendre un tournant radical et anticiper la révolution technologique et industrielle verte qui semble incontournable. La formidable capacité d’adaptation de l’Amérique, encore et toujours.
Source : Zaiki Laïdi - L’Amérique décline-t-elle ? Telos