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Beineix, Pré-si-dent !! (du CNRS)

Publié le 05 novembre 2008 par Scienceblog
N

‘avez vous jamais fait l’expérience d’un film institutionnel si drôle que vous auriez l’envie de le montrer illico presto à vos potes ? N’avez vous jamais eu envie de suivre des études de « médiation des sciences » à la vue d’un tel film ? N’avez vous, au vu d’un film institutionnel, jamais eu envie de trucider les responsables de l’appel d’offre (et le comité scientifique), à coup d’explosion de labo de chimie mal contrôlé par des étudiants myopes ?

Il y a des films qu’il ne vaut mieux pas prendre au sérieux. C’est le cas de celui réalisé par Jean-Jacques Beineix pour le CNRS : Li2 (pour « Les deux infinis » : déjà, le titre … Mmmmm). J’ai du mal à écrire l’adresse tellement c’est nul, mais la voilà : http://www.cnrs.fr/fr/organisme/film.htm !! Tout ce que j’aime pas, ni pour le fond, ni pour la forme, ni pour le bruit. Un simple travail de montage de glorification : je citerais Léni Riefenthal et ses excellents films de propagande si seulement son travail n’était cinématographiquement pas comparable (dans un sens positif) à celui de Beineix. Propagande du CNRS, de cette structure immense et géniale qui permet (rien de moins) à la science française de briller au firmament des connaissances !! Oui, monsieur, rien de moins !! Car, dans la réalité, eh bien, …

  • aucun chercheur n’apparaît. Personne ne sait qui fait de la recherche. Seuls les très grands scientifiques nobelisés, et directeurs du CNRS ont eu le droit d’être cités. Chercheurs, personnels techniques, administrateurs, vous n’êtes rien seuls, vous ne valez rien. Vous êtes fonctionnaires, dites « merci » !!
  • la connaissance ne peut être perçue que dans une vision de conquête : de la réalité ? de la vérité ? sur les autres pays ? La musique de Claire Touzi accentue cet aspect « guerrier bénéfique (dans quelle galère as tu été te mettre, ma pauvre ? Ca paie bien le CNRS ?). La connaissance, c’est peut être aussi autre chose …
  • la connaissance n’est faite que pour servir !! Et grâce au CNRS, la science sert. De splendides exemples pertinents (le chikungunya, la malaria, la dengue) montrent à quel point le CNRS aide son pays, et ses habitants. A quoi ? A regarder ces maladies évoluer, muter, et éventuellement pouvoir être guéries. Justement, tiens, ces trois infections n’ont pas encore de traitement efficaces, et tous les précédents ont conduit à une meilleure résistance des bestioles. Bon exemple ?
  • la science, c’est la liberté. Parlez en aux époux Kraft, maintenant décédés, ayant décidé de quitter le CNRS pour être plus libres. Rappelez nous leur galère quotidienne pour aller chercher de l’argent. Et, rappelez-nous que ces scientifiques non institutionnels, libres, étaient des parias tant qu’ils étaient hors CNRS, hors structure de recherche, et qu’ils ne sont devenus de grands scientifiques qu’une fois morts. Rappelez nous que tout scientifique du CNRS ne peut travailler que sous contrôle du CNRS, comme d’ailleurs pour toute structure scientifique (INRA, INSERM, etc.).

La liste serait longue, mais malheureusement, la lecture en deviendrait soporifique. arrêtons donc là. Regardons maintenant l’aspect artistique. Où comment Beineix glorifie-t’il La Science ? Nous pouvons avoir quelques réponses à cette question en l’écoutant interviewé. Pourtant, le départ était le bon : « Je ne comprends pas le terme culture scientifique. C’est de la culture et de la science, voilà. » Mais, au moment de passer à sa réalisation, on se rend compte de la vacuité de cette parole. La science, ce n’est pas ce qui est représenté dans ce film. Un imaginaire collectif sur la science : oui ! Des préjugés sur les sciences : à nouveau oui !! Mais la science, non.

Ce genre de film part toujours d’un a priori de ce que sont les sciences. On ne réfléchit jamais là dessus. Sous couvert d’avoir fait quelques années d’études scientifiques, on estime pouvoir réaliser un film merveilleux et fantastique sur le CNRS. Et ce dernier est le premier à en profiter : lors d’un collaboration entre scientifiques et artistes, l’image de la connaissance est toujours idéalisée, celui de l’art toujours ridiculisée. La science, c’est la liberté. La science, c’est la vie. La connaissance est aussi indispensable à l’homme que l’eau. Toutes les analogies, toutes les neuneuseries plus bêtifiantes les unes que les autres deviennent alors possibles.

La justification du rôle du CNRS devient alors simple : impots = ressources. N’y a t’il pas d’autre moyen de l’exprimer ? Ne peut on parler autrement de la raison sociale des sciences ? Ne peut on parler (par exemple) du travail minuscule et collectif des hommes et des femmes, qui, ensemble, et sans aucune béquille idéologique, simplement parce que c’est leur métier (et pas leur supposée « passion »), produisent des connaissances ?


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