- Ah, Yvan, vous êtes là.
- Il m'avait semblé, à moi aussi.
- Et où étiez-vous ?
- Et bien, en réunion !
- Mais... c'est ici, la réunion.
- Ah oui, je vois. Non, mais c'en était une autre, de réunion.
- Ah bon, il y en avait une autre ?
- Oui oui.
- Mais, à quel sujet, avec qui ?
- Ben... avec moi. Je viens de vous le dire, c'est pour ça que je n'ai pas pu arriver plus tôt.
- Avec vous et ... ?
- Et quoi ?
- Et qui d'autre ? Vous étiez seul ?
- Et bien oui, pourquoi ? C'est interdit peut-être, de faire des réunions tout seul ?
- Je ne crois pas que le problème se pose en ces termes...
- Je ne crois pas qu'il y ait de problème...
- Et vous vous disiez quoi ?
- Je me suis mis au point sur l'ordre du jour de la prochaine réunion.
- Et qui est prévue... ?
- Tout à fait.
- Non, mais qui est prévue pour quand ?
- En fait, je suis déjà en retard là. Mais bon, je ne suis plus à cinq minutes près.
- Ah parce que vous comptez repartir dans cinq minutes ? Avant même la conclusion ?
- Si vous continuez à perdre du temps avec vos questions, c'est bien possible en effet.
- Je vois. Bon, alors nous parlions donc...
- Attendez.
- Et bien quoi ?
- Est-ce qu'on ne pourrait pas reprendre la réunion depuis le début plutôt. Pour que je comprenne quoi.
- Attendez, vous avez déjà plus d'une heure de retard, et je n'ai rien dit !
- Ah, alors si vous n'avez rien dit ça ira, je n'ai rien raté.
- Mais...
Mais Yvan se relève déjà, et va tapoter sur un petit boitier accroché au mur. Lorsqu'il revient s'asseoir, le patron tente de reprendre où il en était, pour ne pas plus s'attarder sur le comportement étrange de son employé, celui-ci ayant déjà suffisamment capté l'attention de l'auditoire.
- Bien, je disais donc, avant d'être coupé par l'arrivée d'Yvan...
- J'espère que vous n'avez pas eu mal.
- Non merci, Yvan, ça ira.
- Dites-le sinon hein.
- Non merci, Yvan, ça ira ! Je disais qu'il nous faudrait donc établir un planning des tâches de chacun, afin que nous puissions ensemble nous rendre compte des étapes les plus gourmandes, au niveau du temps, de tout notre processus.
- Moi je sais !
- Oui Yvan ?
- L'étape la plus gourmande, moi, je la connais.
- Et qu'est-ce que vous suggérez ?
- Moins de réunions. Comme ça, paf, plus de temps pour vraiment travailler, logique.
- D'accord, merci Yvan, mais donc, à part les réunions, il va falloir donner absolument la priorité à tout ce qui concerne l'archivage.
- On est tous d'accord.
- Mais il faut impérativement développer la communication au sein de l'entreprise, et travailler sur l'organisation.
- En effet, c'est la priorité.
- Voilà, c'est la priorité.
- Il faut archiver, et discuter, c'est la priorité, mais la priorité, c'est l'organisation.
- Oui. Euh, enfin, non, attendez. Vous m'embrouillez là, j'étouffe, je n'arrive plus à réfléchir. Il ne ferait pas un peu chaud ?
- C'est moi, j'ai monté le chauffage.
- Et on ne pourrait pas le baisser un peu ?
- Enlevez quelque chose, ça revient au même.
- En fait, là, je crois que j'ai déjà largement dépassé tous les seuils de décence. Et vos collègues aussi.
- Mais non. Quand vous allez à la plage, vous faites comment ?
- Euh, je ne sais pas trop dans quelles plages vous allez Yvan, mais j'ai rarement moins que ça.
- Ah bon, vous y allez donc en chaussures ?
- Mais qu'est-ce que vous attendez à la fin ?
- Et bien justement, la fin. De la réunion. Et en attendant, je profite des quelques cuisses dénudées qu'on nous a servi ce soir, histoire de me donner de nouveaux sujets de réunion. D'ailleurs, je crois que j'en ai déjà eu assez.
De nouveau, Yvan se lève. Mais cette fois-ci, il récupère ses effets, et se dirige vers la porte de sortie.
- Encore ? Où allez-vous cette fois-ci ?
- Là ? Et bien, mais, c'est l'heure de la pause !
- Mais, vous sortez déjà de réunion !
- Justement, je suis épuisé.
- Bon, allez-y, mais dépêchez-vous quand même. On vous attend, nous.
- Mais pourquoi vous faites ça ?
- Et bien, mais pour faire le point avec vous !
- Ah non mais après la pause, moi, j'ai une conférence.
- Ah bon, mais où ça ?
- Et bien, vous savez, en... salle de... conférence.
- Laquelle ?
- La petite.
- C'est à dire ?
- Celle avec le siège pas très confortable là.
- Je ne vous suis pas, Yvan.
- En effet, je préfère aussi.
- Non mais je ne vous comprends pas non plus.
- Ah, ça me le fait tout le temps moi aussi.
- Bon, de quelle salle parlez-vous ?
- Mais celle avec de l'eau qui coule là, dans le siège.
- Hein ? Mais c'est où ça ? Je ne vois vraiment pas.
- Et bien là haut, entre les escaliers et le bureau des designers !
- Vous voulez dire... les toilettes ?
- Voilà, c'est là !