Un certain nombre de cosmétiques manufacturés attirent le consommateur en quête du tout naturel et surtout de l'inoffensif, avec la mention « sans conservateurs », « Preservative free « en anglais.
Qu'en est-il réellement ?
Deux possibilités...
Soit ce cosmétique a été fabriqué en milieu stérile, avec des ingrédients stériles et conditionné de même. Auquel cas, sauf à proposer un conditionnement très spécifique, flacon « airless », il sera hautement contaminable dès son ouverture.Soit il ne contient pas d'ingrédient officiellement reconnu comme un conservateur mais contient soit des ingrédients utilisés à un autre effet et ayant un rôle de conservateur (par exemple le benzyl benzoate considéré comme un solvant) ou plus rusé, un ingrédient lui même contenant un conservateur (par exemple un extrait de plante contenant du phenoxy-éthanol qui figurera dans l'INCI sous forme de « ... extract »).
Ah si une dernière possibilité qualifiée d'innovante par certains marques mais qui me laisse songeuse...La stérilisation UHT !
J'avoue que pour moi qui me décarcasse pour chauffer le moins possible mes ingrédients pour préserver leurs propriétés, cela me laisse dubitative...De plus, cela ne solutionne pas le problème de la contamination après ouverture.
Le pH des produits
On peut également noter que plus le pH d'un produit sera bas, meilleures seront ses chances de conservation. Une raison supplémentaire pour nous inciter à vérifier le pH de nos produits et éviter de leur faire dépasser un pH de 5 qui est tout à fait convenable pour respecter le pH naturel de la peau (faussement situé en général au delà).Par contre, plus bas, le produit risque fort de se révéler trop agressif !
A l'inverse un très haut pH (supérieur à 9) est également un bon gage de non-développement des micro-organismes mais il est intolérable pour la peau. Par contre c'est ce qui explique partiellement (le taux de glycérine y est aussi pour quelque chose, nous en reparlerons) que les savons liquides n'ont pas besoin de conservateur.
L'hygiène
Si nous souhaitons fabriquer un produit en lui donnant les meilleures chances de conservation, le premier point à respecter concerne les conditions de fabrication, la manière dont on prélèvera le produit et dont on le conservera.Il convient d'utiliser du matériel et des contenants "stérilisés" par tout moyen à votre convenance. Mais également de penser à désinfecter vos mains (savonnage et passage à l'alcool), et le plan de travail (produit nettoyant et passage à l'alcool).
Evitez de travailler dans une pièce humide propice aux moisissures. Si les joints de la fenêtre ont tendance à noircir, dites vous que des spores peuvent se trouver dans l'atmosphère de la pièce et donc contaminer votre préparation.
Précisions :
- La stérilisation est un processus spécifique qui, en réalité nous est peu accessible. Par exemple :
Stérilisation à la vapeur (autoclavage) signifie l'extinction et/ou l'inactivation irréversible de tous les microorganismes
susceptibles de se multiplier sous l'action de "vapeur saturée d'au
moins 120 °C" (DIN 58 946-1, 1987). Le temps d'action minimum suivant
(temps d'extinction + supplément de sécurité) est indiqué dans la norme
DIN EN 285 pour une température de stérilisation de 121 °C: te = 20
minutes." Source
En réalité, nous effectuons plus souvent une désinfection poussée.
- Il est intéressant d'utiliser des linges ou torchons fraîchement repassés à la vapeur et même, comme je l'ai vu faire stockés ensuite au four à basse température.
- L'alcool à 70° est bien plus efficace pour la désinfection que l'alcool à 90°C.
Les flacons pompe ou autre conditionnement airless sont intéressants, Hélas bien souvent, ils restent dans le petit « bec » une petite quantité de produit non protégée qui va se retrouver sur la peau à l'application suivante, cela ne contaminera pas le produit restant à l'intérieur du flacon mais ne sera pas très bon pour votre peau. La solution ? Un coup de pompe « pour du beurre » au dessus du lavabo...Mais pas mal de produit perdu !
La conservation
Pour la conservation, pas mal de personnes ne jurent que par le réfrigérateur. Personnellement, je suis dubitative pour plusieurs raisons. Le réfrigérateur est un milieu humide qui peut être propice aux moisissures, ce n'est pas un milieu stérile...Pour preuve, vos légumes qui peuvent moisir au réfrigérateur !Ces moisissures peuvent se déposer à l'extérieur du contenant et plonger allègrement à l'intérieur à l'ouverture suivante.
Autre truc qui me chiffonne, rien de pire que les variations de température pour déclencher une prolifération de micro-organismes. Or, passer d'un réfrigérateur à une salle de bains toute chaude, quel beau choc thermique !
Alors conserver un gros pot en réserve au réfrigérateur, remplir un plus petit pot qu'on conservera à température ambiante en respectant le maximum de conditions d'hygiène (essuyer l'extérieur du pot à l'alcool, utiliser une spatule désinfectée, des mains propres...), oui...Mais le pot qu'on va utiliser tous les jours me semble bien mieux, en tous cas sous nos latitudes, à température ambiante.Attention ! La salle de bain subit elle aussi de fortes variations de température, de plus elle est humide et, dans de nombreux logements, également propice aux moisissures.
Le meilleur endroit me semble encore la chambre, pièce normalement à température constante, peu élevée et sans humidité spécifique. Remettez donc à la mode les coiffeuses de nos mères et grands-mères avec leurs petits tiroirs sombres !
En conclusion de ce premier volet et avant d'aborder les produits conservateurs, je tiens à attirer qu'aucun conservateur n'est naturel dans le vrai sens du terme, en effet tous les produits que nous pourrons utiliser auront subi une transformation de la main de l'homme.
Les seuls conservateurs vraiment naturels, utilisés en alimentation sont le sucre (inutilisable au taux requis dans nos préparations) et le sel.
Le miel seul, se conserve très bien et très longtemps mais perd ses propriétés antibactériennes et antifongiques dès qu'on le dilue.
A suivre :
- Les conservateurs 1 : alcool, benjoin, borax, huiles essentielles, propolis, acides gras, acide citrique et glycérine, émulsifiants
- Les conservateurs 2 : EPP, extraits de plante, benzoate de sodium, sorbate de potassium
- Les conservateurs 3 : Produits manufacturés, du bon et du mauvais. La problématique des parabens.
Source des images : bactérie, flacons airless, papier pH, lavage mains, coiffeuse, réfrigérateur
Sources
Mademoiselle Bio, Naturalingrédient, Preservative-free and Self-preserving Cosmetics and Drugs De Jon J. Kabara, Donald S. Orth, Source: International Journal of Cosmetic Science, Volume 28, Number 5, October 2006 , pp. 359-370(12)