Argentine : opérations contre les réseaux de traite de femmes à des fins d’exploitation sexuelle

Publié le 04 novembre 2008 par Chictype

La volonté politique de combattre la traite des femmes à fin d’exploitation sexuelle et l’outil que signifie la nouvelle loi ont permis dans les six derniers mois de concrétiser trois ou quatre opérations par semaine. Une carte de la prostitution permet de connaître la réalité dans tout le pays : il y a des zones de recrutement, d’ “entraînement” et de distribution.

Cent dix femmes (presque la moitié étaient des enfants et des adolescentes) ont été sauvées, lors de plusieurs perquisitions, de l’enfer des réseaux de traite des femmes à fin d’exploitation sexuelle dans les six derniers mois, selon les statistiques du Ministère de la Justice auxquelles a eu accès Página/12. La décision politique de combattre les maffias qui exploitent les corps féminins, ajoutée à l’application de la nouvelle loi, donne des résultats. Chaque semaine se réalise une moyenne de trois à quatre opérations dans des cabarets et des maisons closes : sur un total de 85 pratiquées entre mai et jeudi dernier, 82 personnes ont été arrêtées, accusées de faire partie de ces bandes dans un de leurs maillons : comme recruteurs, en charge du transfert de femmes ou comme proxénètes.

Avec le témoignage de victimes libérées a été dressé la carte de la traite des femmes dans le pays : il y a des régions de recrutement, des zones avec des centres d’ “amollissement” ou d’ “entraînement”, villes dans lesquelles se produisent la distribution et la revente de filles et des provinces réceptrices.

“Ils réservent les petites filles comme les fraises du dessert. Cela sonne horrible mais ce qui est très côté c’est le jeune génital”, a décrit l’avocate Silvina Zabala, chef de Cabinet du Ministère de la Justice et titulaire du Bureau de Sauvetage et d’Accompagnement de Personnes Sinistrées du Délit de Traite, créé après la sanction de la loi contre la traite, pour décrire le destin des mineures enlevées par les réseaux de traite à fin d’exploitation sexuelle. La loi, qui a caractérisé le délit et l’a mis sous compétence de la Justice fédérale, est entrée en vigueur le 29 avril. De ce jour à jeudi dernier - quand a été sauvée une fille de 16 ans-, on a comptabilisé 85 procédés ordonnés par la Justice et réalisés par des différentes forces de sécurité, principalement la Police Fédéral et la Gendarmerie. Sur les 110 femmes libérées dans les six mois, 55 sont majeures (il n’a pas été précisé l’âge de 14 d’entre elles) et 41 sont des enfants et adolescentes, dont les soeurs de 11 et 14 ans de Missiones, livrées par leur leur mère à un souteneur et sauvées à partir de la dénonciation de leur soeur de 16 ans, qui avait pu s’échapper.

Dans l’une des perquisitions qui ont été réalisées le 18 octobre dernier dans des cabarets de la localité de Carlos Casares, à l’ouest de la province de Buenos Aires, il a été trouvé un book avec des photos en sous-vêtements d’une des enfants sauvées. “Ils doivent les offrir à des clients déterminés à des prix différentiés”, a signalé Zabala. Lors de ces opérations, ont été libérées cinq filles de 13 à 17 ans qui étaient obligées de se prostituer et six personnes ont été arrêtées accusées d’être les gérants des maisons closes. Cette semaine trois femmes ont été arrêtées dans une autre opération dans un édifice du quartier de Mataderos dans la ville de Buenos Aires, après qu’une femme ait dénoncé que sa fille de 16 ans était exploitée sexuellement dans cet endroit. Le nombre de libérées et de détenus augmentent chaque semaine.

Les tortures auxquelles sont soumises les jeunes en tombant dans les réseaux vont depuis les viols systématiques pour “les attendrir” et “les dresser”, ingestion irrépressible de drogues, brûlures de cigarettes si elles se débattent, peu d’alimentation, jusqu’au “travail” sans pause entre client et client. Cette description est livrée à Página/12 par Claudia Lascano, la Susana Trimarco du nord-est argentin, leadere de la Coalition Halte à la Traite, qui regroupe plusieurs ONG dont celle qu’elle préside à Posadas (province de Missiones) et qui travaille maintenant en coordination avec le Ministère de la Justice. Elle connait un grand nombre d’atrocités révélées par les récits de dizaines de victimes qu’elle a écoutés dans les dernières années. “Bien qu’elles aient de faux documents et qu’elles disent qu’elles sont majeures, un client ne peut pas ne pas se rendre compte qu’il a une relation sexuelle avec une mineure. Ce qu’ils voient ce sont des filles totalement aliénées, avec le regard perdu, qui ne savent pas s’il fait jour ou nuit, qui n’ont ni froid ni chaud. C’est impossible qu’ils ne sachent pas qu’elles sont des enfants. Nous en avons trouvé une avec les talons coupés : on les lui avait coupés dans le bordel pour qu’elle ne s’échappe pas”, raconte Lascano. Il y a une semaine et demie, il y a eu une opération à Comodoro Rivadavia (province du Chubut, Patagonie) : ils ont sauvé une adolescente de 17 ans du cabaret La Casita del Amor. La jeune fille a raconté qu’elle a été forcée de monter dans une auto à Oberá, où elle exerçait la prostitution sur une place, et qu’ils l’ont emmenée en voiture jusqu’à Comorodo où ils la maintenaient en conditions d’esclavage. Il y a eu quatre détenus. Une autre jeune fille, libérée d’un restaurant qui fonctionnait comme maison close dans la localité de Lisandro Olmos, municipalité de La Plata, le 5 septembre avec trois autres femmes, toutes paraguayennes - une d’elles mineure -, a déclaré qu’ils l’ont obligé à se faire un avortement avec cinq mois de grossesse et qu’ils enterré le foetus dans une caisse dans le fond du local. Des effectifs de la Police Fédérale sont retournés sur les lieux et l’ont retrouvé. On estime qu’il était sous terre depuis une semaine. Trois personnes impliquées dans ce présumé réseau qui apportait des filles du Paraguay ont été arrêtées.

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ENFANTS A LA PORTEE DU SERVEUR

À Claudia Lascano, ils lui ont mis un revolver sur la tempe, ils lui ont défoncé l’auto et lui ont envoyé des messages d’intimidations à travers de journaux de Missiones (nord est argentin). Toutes des menaces pour son travail contre des réseaux de traite de femmes depuis cinq ans. C’est la tête de la Coalition Halte à la Traite et elle agit depuis Posadas, depuis quelques temps en coordination avec le Ministère de la Justice. Des informateurs dans différents villages, des employés de l’entreprise Trenes Especiales Argentinos - qui opèrent le littoral - et le ratissage d’offres d’emplois supposés sur internet, ce sont les sources qui lui ont permis de sauver des filles des maffias ou sur le point de tomber et de dénoncer des souteneurs. Il y a quelques jours, c’était l’une des oratrices à Iguazú (ville frontière avec le Brésil et le Paraguay, NdT) d’une formation des forces de sécurité de la région du nord-est organisée par le Ministère de la Justice et le gouvernement de Missiones. Le soir, elle a dîné dans un restaurant de cette localité avec Ève Giberti, titulaire du Programme Les Victimes contre les Violences, qui a aussi exposé lors de la rencontre. Par curiosité, par l’intermédiaire d’un garçon, elles ont demandé à un serveur comment on pouvait “obtenir un service avec des mineurs pour la nuit”. Le serveur a signalé deux brésiliens sur une table contiguë : “Eux l’apportent pour 50 reales (20 dollars), ici tu vas payer 100 pesos (30 dollars) chacune”. Lascano a fait savoir au serveur qu’elle voulait un “garcon” pour elle. Le serveur s’est offert pour 100 pesos. Après elles ont obtenu l’adresse d’un bar dans Iguazú, où, leur a-t-on dit, ils offraient des petites filles. A la porte du local, le garçon qui les accompagnait a demandé au garde de sécurité : “il lui a répondu qu’il pouvait entrer les chercher, mais qu’il devait faire attention parce qu’il y avait ces jours-ci un congrès contre la traite”.

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Mariana Carbajal, Pagina/12, 27 octobre 2008.

Traduit par http://amerikenlutte.free.fr

http://www.hns-info.net/spip.php?article16009