Le renforcement des mesures de protection à l'égard du candidat Obama souligne, s'il en était besoin, les menaces qui pèsent sur la tête de celui qui sera selon toutes probabilités le prochain président des Etats-Unis et le premier à ne pas appartenir à la race blanche. Seuls un attentat ou une crise internationale majeure, comme l'arrivée d'un pouvoir islamique au Pakistan détenteur de l'arme atomique, paraissent susceptibles de l'empêcher d'entrer à la Maison-Blanche. Quand Obama est né, les mariages mixtes étaient interdits aux Etats-Unis. En moins d'un demi-siècle, la première puissance et la première démocratie mondiale s'est complètement transformée, mais une autre transformation attend le futur président.
Rarement, et peut-être même jamais, les attentes et les espoirs des Américains furent aussi forts et aussi nourris, et les moyens à la disposition du Président aussi restreints. Dominique Moïsi, de l'Ifri, explique : « Cet homme, Obama, arrive au pouvoir quarante ans après la nouvelle société lancée par Lyndon Johnson et il incarne un rêve. Mais cet homme aura les mains entièrement liées. Sa capacité d'action sera la plus faible de toute l'histoire des Etats-Unis. »
Cette faiblesse s'explique par un mot, la dette, et par un chiffre, le montant de celle-ci : près de 10.000 milliards de dollars. Le nouveau président prend la tête d'une nation qui sort en titubant du banquet néoconservateur dont le menu a été successivement proposé par Nixon, Reagan, Bush père et fils, le dernier ayant fait voler en éclat les promesses de confort économique intérieur et de sécurité extérieure. L'Amérique est à un nouveau tournant de son histoire, elle doit à son tour faire face à une mondialisation dont elle avait été la première à comprendre qu'elle avait, après la chute du mur de Berlin, repris sa marche interrompue à Sarajevo en juin 1914. Mais il apparaît loin le temps où, au Forum de Davos, un grand patron américain déclarait : « Vous ne nous rattraperez jamais, tant notre avance technologique est grande. »
Aujourd'hui, l'Amérique découvre que la globalisation de l'économie mondiale a fini par remettre en cause la suprématie que ses entreprises, sa monnaie, son mode de vie et son savoirfaire avaient acquis après la Seconde Guerre mondiale. L'Amérique a changé de l'intérieur et la preuve la plus éclatante de son changement serait donnée par l'élection de Barack Obama. La montée des différentes minorités et les mouvements d'immigration expliquent en grande partie les changements intérieurs.
Les changements extérieurs qui attendent l'Amérique sont économiques et géopolitiques. Le pays doit faire face à ce qu'Obama lui-même appelle « la pire crise financière depuis 1929 ». C'est dans cette situation qu'il va devoir faire face au financement de ses promesses, en matière fiscale et de santé notamment. Dans le même temps, il devra s'attaquer aux déficits et à l'endettement sous peine de voir les créanciers des Etats-Unis devenir plus exigeants. La plupart des économistes posent la question de savoir combien de temps ce pays peut continuer à vivre à crédit, tout en sachant que l'Amérique ne peut faire faillite.
La réponse aux défis géopolitiques ne sera pas facilitée par cette contrainte financière. Et ils sont nombreux, ces défis. Il y a la situation au Pakistan, que nous avons évoquée, il y a la guerre en Afghanistan. Le nouvel occupant de la Maison-Blanche aura aussi à faire face au retour de la Russie sur l'échiquier mondial, aux prétentions de la Chine dans le Pacifique, au conflit israélo-palestinien, aux négociations avec l'Iran comme à la situation en Irak, que, en dépit des progrès enregistrés, les Etats-Unis ne peuvent quitter avant un certain temps. Cela signifie que l'Amérique ne peut plus prétendre à être le « gendarme du monde », comme elle l'a été pendant plus d'un demi-siècle. Elle va devoir apprendre à partager les responsabilités et les décisions.
« Trois forces se conjuguent contre nous :l'impérialisme soviétique, la conspiration communiste internationale et, enfin, la force combinée de la faim, de la misère et de l'insécurité qui sème la crainte au coeur des hommes », écrivait le président Truman il y a soixante ans. Remplacez communisme par terrorisme et Obama retrouve les mêmes défis que Truman.
article via le journaldesfinances