Retour sur les thèses du P. Fourez : une opinion qui blesse la foi et l'Eglise
Publié le 04 novembre 2008 par Hermas
Le hasard des lectures conduit parfois à d'utiles rencontres. On se souvient peut-être de ce qu’il y a quelque
temps, nous avons évoqué les thèses du Père Gérard Fourez, jésuite, sur l’eucharistie, la messe et le prêtre [ICI].
Dans le Bulletin paroissial que nous avions cité, il soutenait :
« Qu’est-ce qui fait qu’il y a une Eucharistie ? Est-ce la présence du prêtre ou d’une communauté qui, à
la suite de Jésus, dit : “Voici ma vie que je donne ?” Ce ne sont pas les paroles de la consécration qui font qu’il y a Eucharistie et que Dieu est
présent. C’est l’engagement de la communauté suscité par l’Esprit et par l’Evangile. C’est ainsi que, quand une communauté se réunit pour faire mémoire – en paroles et en actions – de
la bonne nouvelle en Jésus-Christ, elle célèbre l’Eucharistie, qu’un prêtre ordonné soit présent ou pas. Les individus rassemblés deviennent une communauté d’Eglise, Corps du
Christ. »
Dans un autre texte, intitulé Des communautés célébrant en confiance, auquel nous avions renvoyé,
le bon Père défendait cette idée, abusivement donnée pour conforme au Magistère catholique, que la présence du Christ-Eucharistie ne requiert pas le ministère d’un prêtre ordonné et qu’en
l’absence de prêtre, il suffit, pour qu’une véritable eucharistie soit célébrée, que des fidèles soient réunis ayant mandaté l’un des leurs, quel que soit son sexe ou son statut, pour la
présider.
Voici en quelques termes, en particulier, il s’exprimait :
« (…) La communauté chrétienne croit que le Christ est réellement présent quand quelques-uns sont réunis pour
célébrer cette eucharistie. De ce point de vue, la transsubstantiation n'est nullement un tour de magie qui rendrait le Christ présent ; c'est la
présence du Christ qui fait de l'Église son corps, son sacrement. »
« (…) Quelqu'un doit être mandaté pour animer et/ou présider la célébration. C'est une nécessité sociologique
(sans animateur dûment mandaté par la communauté, celle-ci risque d'être incapable de se défendre de ce qui voudrait la manipuler). Mais cette animation a aussi une dimension que la théologie
analyse. Il est impossible que l’animateur ne soit pas une image de Dieu rassemblant la communauté ; tout cela est sacramentel, avant d'être part d'une ordination. Et cette célébration est une eucharistie si, en un repas de partage, on y fait mémoire de la vie, de la passion et de la résurrection du Christ : la communauté, à la
suite du Christ et rassemblée par lui, engage son histoire dans celle du Salut : “voici ma vie, donnée pour vous” ».
« (…) Le prêtre n'est pas quelqu'un qui a le pouvoir
(magique ?) d'opérer la transsubstantiation, mais quelqu'un à qui on demande d'exercer la présidence et à qui on la confie. »
« (…) C'est ainsi qu'on peut envisager une communauté qui célèbre l'eucharistie en
l'absence d'un “président” ordinaire. Quelqu'un doit être mandaté, dans ce cas, pour animer et/ou présider la célébration. Et il est impossible que cet animateur ne soit pas une image de Dieu
rassemblant la communauté ; tout cela est sacramentel, avant d'être part d'une ordination. Et on peut avoir confiance [sic !] que cette célébration est une célébration eucharistique si
quelques-uns se réunissent au nom de Jésus pour faire mémoire de la vie, de la passion et de la résurrection du Christ, en un repas de partage dans lequel la communauté, à la suite du Christ et
rassemblée par lui, engage son histoire dans celle du Salut : “voici ma vie, donnée pour vous” ».
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Or cette thèse a déjà été examinée par la Congrégation pour la doctrine de la foi, dans une
Lettre aux évêques de l’Eglise catholique sur quelques questions relatives au ministre de l’eucharistie. Elle avait alors pour auteur, le P. E. Schillebeeckx, de l'Ordre des Prêcheurs.
Ce document a été publié sur le site du Vatican (en italien et en latin). On en peut trouver aussi un extrait en français dans le
Symboles et définitions de la foi catholiques [Denz. Ed. du Cerf (nn. 4720-4723)]. Ce texte date du 6 août 1983. Il a donc plus de 25 ans. Et voilà que depuis plus de 25 ans,
des “Docteurs” et des Professeurs réputés catholiques continuent de professer tranquillement, en les faisant passer pour doctrine catholique les mêmes opinions destructrices de la
foi.
Après avoir rappelé que « le Concile Vatican II a exprimé
la certitude de foi que seuls les évêques et les prêtres peuvent accomplir le mystère
eucharistique », la Lettre de 1983 a résumé ainsi les thèses chères, notamment, au P. Fourez :
« 1. Les fauteurs de ces opinions nouvelles affirment que chaque communauté chrétienne, par le fait même
qu’elle se réunit au nom du Christ et bénéficie ainsi de sa présence indivise (cf. Math. 18,20), est douée de tous les pouvoirs que le Seigneur a voulu accorder à son Église.
« Ils estiment en outre que l'Eglise est apostolique en ce sens que tous ceux qui ont été lavés et intégrés à
elle par le saint baptême sont rendus participants de la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ, de sorte qu’ils sont aussi vraiment successeurs des Apôtres. Dès lors que l’Eglise
toute entière est préfigurée dans les Apôtres, il s'ensuivrait que les paroles de l’institution de l’eucharistie, qui ont été adressées à ceux-ci, l’ont été à tous.
« 2. Il s'ensuit que, dans la mesure nécessaire au bon ordre de l'Eglise, le ministère des évêques et des
prêtres ne différerait pas du sacerdoce commun des fidèles quant à la participation au sacerdoce du Christ au sens strict, mais uniquement quant à son exercice. La charge de modérateur de la
communauté, comme ils disent – qui inclut celle de prêcher la parole de Dieu et de présider la synaxe sacrée – serait un simple mandat d’assurer le bon fonctionnement de la communauté elle-même,
qui ne devrait donc pas être “sacralisé”. L’appel à un tel ministère n’ajouterait pas une nouvelle capacité “sacerdotale” au sens strict – ce pourquoi le mot “sacerdoce” est le plus souvent évité
– et n’imprimerait pas un caractère à quelqu’un qui serait ontologiquement constitué dans la condition de ministre, il ne ferait qu’exprimer devant la communauté que la capacité initiale,
conférée dans le sacrement de baptême, est devenue effective.
« 3. En vertu de l'apostolicité de chacune des communautés locales, dans lesquelles le Christ n'est pas moins
présent que dans la structure épiscopale, toute communauté, si petite soit-elle, s’il advient qu’elle est privée depuis longtemps de son élément constitutif qui est l’eucharistie, pourrait alors
se “réapproprier” sa capacité originaire et jouir du droit de désigner son président et son animateur et lui conférer toutes les facultés nécessaires à la conduite de la communauté, sans excepter
celles de présider et de consacrer l’eucharistie. Ils affirment également que Dieu lui-même ne peut se refuser, dans de telles circonstances, à concéder un tel pouvoir même sans le sacrement qui
est ordinairement conféré par l’ordination sacramentelle.
« Cette conclusion résulte également de ce que la célébration de l’eucharistie est souvent comprise comme le
simple acte d’une communauté locale, qui se réunit pour commémorer la dernière Cène du Seigneur par la fraction du pain. Elle serait donc davantage une rencontre fraternelle au cours de laquelle
la communauté se retrouve et s’exprime, plutôt que le renouvellement sacramentel du Sacrifice du Christ, dont l’efficacité salvifique serait étendue à tous les hommes, présents ou non, vivants ou
défunts.
« 4. Par ailleurs, ces opinions erronées sur la nécessité de ministres ordonnés pour célébrer l’eucharistie
ont, en bien des endroits, conduit certains à donner toujours moins de valeur, dans leur catéchèse, aux sacrements de l’ordre et de l’eucharistie » (Lettre, II, 1-4).
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Après avoir ainsi présenté ces thèses, et avant d’exposer la « doctrine de
l’Eglise », avec lesquelles elles sont en contradiction (n° III, 1-4), la Congrégation pour la doctrine de la foi, ès qualités, avait apporté ce jugement, qui paraissait devoir clore
tout débat :
« Même si ces opinions sont exprimées sous des formes diverses et nuancées, toutes tendent cependant à une
même conclusion : le pouvoir de confectionner le sacrement de l’eucharistie n’est pas nécessairement lié à l’ordination sacramentelle. Or il est tout à fait évident [« manifesto
patet »] que cette conclusion ne peut en aucune façon s’accorder avec la foi transmise, car non seulement elle méconnaît le pouvoir
conféré aux prêtres, mais elle blesse toute la structure apostolique de l’Eglise et subvertit l’économie sacramentelle du salut elle-même »
(Lettre, n° III,1).
Il est intéressant de comparer le texte de la Congrégation et celui du Père Fourez : on
retrouve en celui-ci tous les éléments qui ont justifié le jugement de celui-là et selon lequel les thèses défendues sont étrangères et contraires à la foi catholique à laquelle nous
adhérons, et qu'elles outragent.
La Lettre de 1983 s’achevait par une exhortation à la
vigilance. « Vous devez résister à l’erreur, était-il demandé aux évêques, solides dans la foi, même lorsqu’elle se manifeste sous l'apparence de la
piété » (n° IV, § 1). « Les fidèles qui prétendent célébrer l'eucharistie en dehors du lien sacré de la succession apostolique fondé
sur le sacrement de l’ordre, ajoutait-elle, s'excluent de la participation à l'unité de l’unique corps du Seigneur, et par conséquent ils ne
nourrissent pas la communauté, ils ne l’édifient pas, mais ils la détruisent ». La Lettre, enfin, exhortait les évêques à veiller à ce que ces thèses ne soient plus
enseignées ni dans la catéchèse, ni dans l’enseignement de la théologie, et surtout à ce qu’elles n’aient aucune application pratique.
Il était donc important de revenir sur ce document, afin que les fidèles sachent exactement ce à quoi se
résout la thèse du Père Fourez, jésuite : une opinion toute personnelle, sans fondement ecclésiologique aucun, qui, non seulement ne doit rien à la foi de l’Eglise mais la blesse et
conduit à la déchirure de la communion de l'Eglise.