Le match “10sport.com” contre “Aujourd’hui Sport”

J’ai contribué ce matin de mon euro au développement de la presse sportive. J’ai acheté les deux nouveaux titres présents dans les kiosques, à savoir « Le 10 Sport.com » (« la passion du sport au quotidien ») et Aujourd’hui Sport (« entrez sur le terrain ») la réponse du groupe Amaury au lancement du premier. 0,50 € pièce, c’est un point positif en ces temps de pouvoir d’achat en berne. C’est le seul.Je vous recommande l’analyse d’Alain Giraudo sur le sujet : « Deux nouveaux quotidiens sportifs « low cost » : une double faute », qui apporte notamment un éclairage économique très intéressant. Pour mémoire, avant d’être le créateur et le premier patron du Monde Interactif, Alain Giraudo a été rédacteur en chef du service des sports du Monde.

J’ai donc feuilleté plus que vraiment lu les deux nouveaux quotidiens consacrés au sport. Sans intérêt. « 10 » - appelons-le ainsi par commodité - fait sa Une sur un vilain jeu de mot incompréhensible : « Zizou passe le 10 à Benzemax » ( ?????). Ca c’est de l’info. Le canard semble même avoir du mal à mettre en avant son contenu et commet une grave erreur : en réalité, il a décroché une interview exclusive avec Zidane, ce qu’on ne voit pas très bien en Une et pas du tout quand le journal est plié. C’est le « consultant » Daniel Bravo, ancien attaquant du PSG entre autres et de l’équipe de France qui a « décroché » l’entretien. Chapeau ! Chez le concurrent, c’est Anelka qui se soumet au petit jeu des questions-réponses, interview menée cette fois par Arnaud Ramsay qui serait - m’a-t-on soufflé -un copain du joueur. Bon, finalement, peu importe qui pose les questions si les réponses sont intéressantes. On peut juste se demander quels « coups » peuvent bien mijoter les deux titres pour tenir le rythme tous les jours.

Au passage, je m’amuse et m’agace tout à la fois en constatant l’arrivée massive de « consultants » dans la presse écrite. Ce rôle était autrefois réservé à la télévision. Quelques quotidiens généralistes en ont fait usage en de grandes occasions.  « L’Equipe », depuis assez récemment, en use et en abuse dans toutes ses pages ou presque. Il y a par exemple Marie-José Pérec, qui n’a pourtant jamais été une grande communicante, qui se livre à des analyses savantes et bien troussées sur l’athlétisme, qui ne peuvent que faire sourire ceux qui l’ont un peu approchée et connue. Pour avoir moi-même pratiqué l’exercice pour un autre quotidien que celui qui m’emploie aujourd’hui, je constate qu’à ce jeu-là du moins la télé ne triche pas : c’est bien le consultant qui parle. Dans la presse écrite ce n’est jamais lui qui écrit, ce n’est pas toujours lui qui pense. Le lecteur est-il vraiment dupe ?

Mais revenons à nos deux quotidiens du jour, maquettes ringardes et papier moche, ça doit être un concours. On y trouve du football, du tennis, du rugby, du sport automobile et du sport hippique - du turf comme on disait autrefois, mot remis à la mode pour l’occasion.  Foot, tennis, rugby, auto… Franchement, je ne comprends pas bien ce qui peut pousser des gens à avoir envie absolument de lancer des journaux pour parler de ces disciplines déjà très, trop, médiatisées. Et en plus pour en parler comment ? Mieux, différemment ? Avec des spécialistes très pointus, qui suivent la discipline depuis de longues années, apportent un regard décalé, original, de référence, d’analyse sur le bidule ? Non, évidemment. Alors, avec des plumes de caractère, capables de vous faire passer un crissement de pneu pour une secousse tellurique, ou de vous transporter de quelques mots dans les gradins et coursives du grand théâtre du sport ? Encore moins. Plus simplement peut-être de vous informer avant les autres, avant télé, radio et internet ? Non bien sûr, je plaisante. Alors c’est quoi au fond la motivation ? J’avoue ne pas comprendre. Pas même l’éventuelle « logique de marché ». Avec les titres existants (L’Equipe, France Football, etc…), les magazines spécialisés, la télé, la radio et l’Internet, la demande du secteur est très largement satisfaite. Rappelons quand même que le record absolu de vente de L’Equipe date du 13 juillet 1998, lendemain de la victoire de la France en finale de la Coupe de Monde de football, et que cela n’a jamais dépassé que d’un peu le million d’exemplaires écoulés….Ce n’est franchement pas beaucoup. Alors imaginez les chiffres au lendemain d’un 0-0 soporifique entre Guingamp et  Louhans Cuiseaux - je plaisante à peine.

En revanche je m’étonne que dans l’univers du sport, personne n’ait encore songé à lancer un « contre journal » du sport. C’est-à-dire un titre consacré justement à toutes ces autres disciplines qui vivent dans l’ombre, judo, lutte, escrime par exemple. La grande force de l’équipe, a un moment donné, était justement de savoir consacrer de la place et de l’importance aux autres sports que ceux que l’on voyaient - déjà - partout. Ces autres disciplines qui n’ont pas été complètement abandonnées mais dont le traitement n’est plus assuré avec la même assiduité ni la même rigueur qu’autrefois.