“Les étrangers ne comprennent pas que l’on puisse avoir des meurtriers, des violeurs ou des pédophiles sans mur d’enceinte ni barbelés”, explique Oeyvind Alnaes, le directeur de l’établissement. “Même si ces personnes ont commis des actes abominables, cela n’en fait pas des personnes abominables pour autant”.
Dans les bâtiments centenaires et classés d’un ancien orphelinat pour garçons difficiles, les 115 pensionnaires de Bastoey –du petit truand à l’assassin récidiviste en fin de peine– s’adonnent à la menuiserie, l’élevage, la culture de la terre sans engrais chimiques ou la pêche au homard grâce au bateau de la prison.
Tout cela avec l’aide bienveillante des surveillants qui ne portent pas d’arme et qu’ils appellent par leur prénom.
“C’est fascinant de voir un malabar qui a passé le plus clair de son temps à tabasser les gens assister, ému, à la naissance d’un agneau mal en point et faire du bouche-à-bouche à l’animal pour tenter de le ranimer”, souligne M. Alnaes.
“Kurt” et deux autres détenus râtellent la plage de Bastoey, seule enclave de l’île ouverte au public, où des plaisanciers viennent batifoler sans appréhension.
“Très vite, on comprend qu’il faut respecter tout le monde, que ça ne fonctionne que si on travaille ensemble”, témoigne cet homme lourdement condamné pour une rixe qui a mal tourné, aujourd’hui installé aux rênes d’un attelage qui tire un râteau métallique.
“Si l’on doit aller en prison, Bastoey est le meilleur endroit au monde”, assure “Bjoern”. “Ici, on peut s’épanouir. On apprend à se débrouiller tout seul, à se laver, à faire sa popote, à entretenir son foyer”, précise l’homme, condamné pour un délit financier.
La journée de travail dure de 08H00 à 15H00, après quoi les détenus ont “quartiers libres” pour Folâtrer dans le fjord, se promener sur l’île, jouer de la musique ou faire du sport. Par exemple dans l’équipe de foot qui est engagée dans un championnat avec les équipes d’entreprises locales. “On joue tous nos matchs à domicile”, sourit M. Alnaes.
Extinction des feux à 23H00: les détenus doivent être de retour dans leurs maisonnettes qui ne sont pas cadenassées.
“Le système est basé sur la confiance à 100%”, témoigne Kjell Roar Hansen, un gardien. “L’hiver, un seul surveillant accompagne cinq ou six détenus qui vont chercher du bois en forêt, chacun avec leur tronçonneuse”.
Autre signe qui ne trompe pas, le ferry qui relie Bastoey au continent est géré par des prisonniers.
Une seule tentative d’évasion a été enregistrée ces six dernières années, selon M. Alnaes. Tout écart se traduit par un retour à la case prison traditionnelle, un épouvantail pour les pensionnaires de Bastoey.
Purgeant une peine de trois ans pour avoir “importé” des stupéfiants, “Tormod” est, comme beaucoup d’autres, d’abord passé par une prison de très haute sécurité.
“Là-bas, ça fait peur aux gamins, alors leurs visites sont très limitées. Ici, c’est convivial, ça permet de les voir plus souvent”, explique ce père de trois enfants.
Aucune statistique n’existe quant au taux de récidive. “Mais on voit que ça marche. Les prisonniers arrivent ici avec une posture de gros durs. Après deux mois, ils sont tout sourire”, affirme M. Alnaes, certainement l’un des rares directeurs de prison à verser chaque année à Amnesty International un écot prélevé sur le budget de son établissement. (AFP)