Les investigations récentes menées dans ce domaine par, Jean Guffroy, chercheur à l’IRD permettent aujourd’hui de mieux appréhender la vie quotidienne des communautés humaines qui ont occupé les zones côtières et montagneuses du Pérou à cette époque.
L’analyse des pétroglyphes et des peintures montre notamment le basculement progressif d’une société nomade de chasseurs-cueilleurs vers une population davantage tournée vers l’élevage et l’agriculture.
L’un de ces sites, Toro Muerto, situé dans le sud du pays, regroupe plus de 4000 blocs gravés disséminés sur plusieurs dizaines d’hectares. Les découvertes effectuées ces dernières années par des chercheurs péruviens et étrangers, dans différentes régions du pays, permettent aujourd’hui de mieux comprendre la signification de ces représentations artistiques dont la production s’échelonne de -10 000 ans jusqu’à l’arrivée des premiers conquistadors, au XVIème siècle, voire même au-delà, comme dans
la région de Cuzco.
Les grands sites de roches gravées en plein air sont principalement concentrés sur le versant Pacifique alors que les figures peintes en grotte ou sous abri prédominent dans les régions d’altitude et sur le versant amazonien.
Ces préférences quant aux supports et techniques employées reflètent des pratiques rituelles associées probablement assez différentes.
L’étude des plus anciennes peintures rupestres et leur datation à partir de méthodes indirectes (datation au carbone 14 des restes de charbons brûlés sur place) montrent qu’elles sont l’oeuvre de chasseurs cueilleurs qui occupaient la région entre -7000 ans et -3000 ans avant notre ère.
Les motifs, peints le plus fréquemment en rouge, sont de petites dimensions et représentent des scènes de chasse impliquant des camélidés sauvages comme le guanaco
et des silhouettes humanoïdes, dotés de traits faciaux plus proches de représentations
animales qu’humaines. Ces personnages sont généralement munis de bâtons, d’arcs ou de sagaies et utilisent parfois des fi lets.
Alors que les sites les plus anciens font la part belle aux représentations naturalistes d’animaux morts ou blessés, un second ensemble daté de -4000 ans à -2000 ans avant notre ère fait en revanche l’apologie de la fertilité.
Les représentations de camélidés, qui sont cette fois de grande dimension, sont dessinées avec un ventre outrageusement enflé, contenant parfois un foetus. Cette évolution stylistique, qui semble coïncider avec les débuts de l’élevage dans les régions de haute altitude du Pérou symboliserait donc l’émergence du pastoralisme et l’évolution des rapports homme/animal qui l’a accompagné.
Une étude plus approfondie de ces sites archéologiques, qui demeurent fortement affectés tant par le vandalisme que par l’érosion, est plus que nécessaire. Ces vestiges, qui témoignent d’évolutions idéologiques et sociales intervenues sur près de 8 000 ans, peuvent en effet contribuer à améliorer sensiblement la compréhension du
mode de vie et des croyances de ceux qui comptèrent parmi les premiers habitants
du nouveau monde.
Source:
- IRD: "L’art rupestre marqueur de la transformation des sociétés traditionnelles péruviennes" (PDF)
Liens:
- Institut de Recherche pour le Développement (IRD): http://www.ird.fr
- Jean Guffroy: interview (en espagnol): Jean.Guffroy@orleans.ird.fr
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