Pitch : l'histoire du groupe The Doors, entre les débuts californiens en 1965 et la fin à Paris en 1971. Le film est surtout centré sur la personnalité de Jim Morrison.
A sa sortie, en 1991, je n'avais pas vu le film mais en revanche je n'avais pas pu passer à côté de "l'effet Doors" qui avait envahi tout le collège. En une semaine, les Doors était devenu le groupe favori de tout le monde (avec les caïds qui répétaient "mais naaan, moi ça fait 3 ans que j'écoute les Doors, bien avant le fiiilm"), les posters du film s'échangeaient dans la cour et les "Break On Through" et les "When The Music's over" écrits au typex avaient surgi sur les trousses ou les cahiers. Quelle belle époque heureusement révolue. Plus de 15 ans après la hype, j'ai profité d'une rediffusion sur Virgin 17 ce soir pour rattraper mon retard et voir enfin The Doors d'Oliver Stone.
Petit aparté sur le doublage ...
Tout d'abord, manque de bol, le film était diffusé en VF. Quelle drôle d'idée que de doubler un film quand on y pense ... J'ai l'impression que c'est un procédé hérité des temps anciens du cinéma. A l'époque du muet, on traduisait et remplaçait carrément les inter-titres originaux. On remplaçait même les documents écrits du film affichés à l'écran : par exemple, un gros plan sur un télégramme était purement et simplement remplacé par un autre gros plan sur un autre télégramme reconstitué dans la langue voulue - j'ai déjà vu ça dans des films de Chaplin, Les Temps Modernes je crois.
Bref, j'ai l'impression qu'en France, à l'arrivée des premiers films américains parlants, on s'est dit que qu'on allait remplacer les voix de la même manière qu'on remplaçait les inter-titres des films muets. Peut-être que les mecs à l'époque ne maitrisaient pas la surimpression de sous-titres sur la pellicule originale et qu'ils n'avaient pas d'autre solution Je ne sais pas. Toujours est-il qu'avoir opté définitivement pour cette solution de doublage me paraît désastreux. Comment peut-on ainsi écarter tout le message qui passe par la bouche d'un acteur, son intonation, sa diction, sa scantion - tout ce qui se rajoute aux mots même, toutes ces petites nuances qui, mises bout à bout, transforment des images animées et sonorisées en film de cinéma.
Un film doublé est un film amputé, tout simplement. Et qu'on ne vienne pas me parler de snobisme de parisien élitiste ! Les livres audio n'ont pas supplanté les livres papier sous prétexte que c'était trop élitiste de vouloir faire lire les gens ! Bon ok, pour les films pour enfants, genre les Disney je veux bien mais sinon, c'est un faux débat. C'est vraiment scandaleux de doubler les films étrangers.
Pour revenir à notre sujet, la VF ampute atrocement The Doors. C'est une vraie hérésie que de doubler ce film qui est pourtant loin d'être un chef-d'oeuvre (j'y reviendrai). Le doublage en français engendre des dialogues aberrants. On entend par exemple Meg Ryan s'extasier "Ouais je trouve ça vachement fort comme message, l'idée de traverser un mur, break on throu, ouais" ou le producteur de télé dire "Ah je vois, vous allez allumez le feu, enfin allumer mon feu, light my fire quoi". Ou pire, on voit de temps en temps Jim Morrison passer du 'chanté' au 'parlé' sur scène (quand il harangue la foule par exemple) : tout naturellement on voit donc ce bon vieux Val Kilmer passer de l'anglais au français, et même changer de voix (puisque les parties chantées ne sont elles pas doublées), en plein milieu d'une phrase. C'est vraiment n'importe quoi.
Au passage, j'ai trouvé Val Kilmer assez convaincant. Au delà de la ressemblance troublante, et malgré l'artillerie lourde déployée par Oliver Stone, il n'en fait pas trop, il s'efface derrière son personnage (un peu trop ?) et on sent qu'il ne cherche pas à faire "une performance à Oscar".
Bon mais sinon, que vaut le film ? Eh bien, je dirais "hum hum".
Tout d'abord, The Doors est plus un biopic sur Jim Morrisson que l'histoire d'un groupe. On retrouve donc tous les poncifs du biopic : l'accident traumatique de l'enfance (ici un accident de voiture), les débuts difficiles mais passionnés, la rencontre avec la fille de sa vie, le succès, les producteurs véreux, la plongée dans la drogue et l'alcool, les filles faciles, les chambres d'hôtes trashées, les soirées défonce filmées avec une caméra qui ne tient jamais en place, la chute, la mort tragique. Oliver Stone nous prend-il donc à ce point pour des crétins ? Vraiment, il n'apporte rien à ce genre éculé et The Doors est bien plus proche de la mécanique bien rôdée de I Walk The Line que du génie éblouissant de Amadeus (qui est, de loin, d'incroyablement loin, le meilleur biopic que j'ai eu la chance de voir)
La première demi-heure se laisse toutefois regarder sans ennui. J'aime assez le portrait qui nous est présenté de toute la période Flower Power californienne : filles avenantes avec fleurs dans les cheveux, drogues douces, références à Godard, musique psychédélique etc. Ces scènes-là m'ont paru assez sincères - peut-être parce qu'elles se rapprochent de la propre jeunesse d'Oliver Stone. Ça va tant que les personnages ne parlent pas trop. Dès qu'ils ouvrent la bouche, c'est pour déclamer des textes de Morrison à base de "J'irai au-delà de la vie pour chercher la mort et te ramener à la vie. Et nous nous haïrons avec amour, avec un bon acide dans le nez" (j'exagère à peine). Et toutes les filles de s'extasier sur ce poète. Je préfère imaginer que le vrai Jim Morrison était un peu moins basique.
Les scènes qui représentent le groupe en train de composer leurs premiers tubes sont également assez plaisantes, traitées de manière assez sobre, laissant toute sa place à la musique, un vrai havre de tranquillité avant le maelström d'1h30 qu'Oliver Stone nous inflige ensuite.
En effet, avec le succès du groupe The Doors, arrivent également tous les excès, qu'Oliver Stone choisit de nous présenter sous l'angle suivant : beaucoup de sexe, beaucoup de drogues et assez peu de rock'n'roll hélas. Aux scènes de défonce se succèdent d'autres scènes de défonce, jusqu'à la nausée. Ce qui me gêne, c'est qu'au bout de la 24e scène à base de whiskey/cocaïne/prostituée, on finit par se dire que c'est ça qui intéresse Oliver Stone. Les Doors, les années 60, la contestation, il s'en moque complètement au bout d'une demi-heure. C'était juste une astuce de scénario pour mettre en scène ses fantasmes (?) de dépravation.
Pourquoi pas, après tout, enchaîner des scènes de défonce ? Bad Lieutenant suit à peu près le même pitch et s'avère être un film assez fascinant, à défaut d'être plaisant à regarder. Là, dans The Doors, comme dans Tueurs Nés (un de mes films honnis), on sent le voyeurisme dans tous les plans. On voit la caméra s'attarder un peu trop sur un raïl de cocaïne, un peu trop sur une poitrine dénudée de fan hystérique, un peu trop sur une bouteille de Jack Daniel's. Au delà de la trivialité de ces scènes, le film en devient vite abject et, pire encore, profondément ennuyeux.
Oliver Stone n'a rien à dire et il compense cette absence de propos par de la complaisance de bas-étage. Il se moque de Jim Morrison, de la musique ou du scénario. En bref, il se moque du spectateur !
Bon allez, pour rester sur une note positive, 2 chansons des Doors parmi mes préférées
The Doors - People Are Strange
The Doors - Peace Frog
(et moi je me trouve bien bavard sur un film aussi mauvais !)