Pitch : Alex (Jean-Paul Rouve), écrivain de 35 ans, et Laetitia (Mélanie Doutey), marketeuse de parfums, forment un joli couple parisien. Au bout d'un an de relation, elle souhaite qu'ils emménagent ensemble. Lui, vieux briscard des relations foireuses, freine des quatre fers. Il tient à garder à la fois sa copine et son indépendance. Vont alors s'enchaîner tout plein de péripéties, ruptures, engueulades, réconciliations. En effet, tout en étant très amoureux l'un de l'autre, ils campent fermement sur leurs positions respectives. Le spectateur, tenu en haleine par un scénario si audacieux, stresse grave de grave pour ce couple attachant. Heureusement, ca se termine bien (sans blague ? on n'y aurait pas cru) : le couple se reforme, un bébé est en route, la cellule familiale traditionnelle est recomposée et vive la France !
Il paraît que ce scénario catastrophique est "librement" adapté d'une BD de Dupuy & Berberian. Je ne connais pas les oeuvres de ces deux types mais j'ai lu ici ou là qu'ils étaient les pros de la description des bobos parisiens et de leur petits travers si amusants (amusants pour qui ? pour les bobos parisiens sans doute). Eh bien je ne les félicite pas, Dupuy & Machin ! A moins bien sûr que l'adaptation soit vraiment très, très, très "libre" et ait trahi l'esprit de ces néo-sociologues.
L'impayable coupe de cheveux de Kad Merad
Ce soir je dors chez toi n'a pas peur d'enfiler comme des perles tous les poncifs de la comédie romantique à la française. Pêle-mêle, et entre autres, on trouve :
- La bataille de bouffe ponctuée de fou-rire entre les amoureux (déjà vue dans les films d'Yvan Attal). Ca c'est pour montrer qu'ils sont bien capables de déconner entre eux, qu'en fin de compte ils sont super complices et que, allez quoi, ils ont quand même tout ce qu'il faut pour se remettre ensemble
- Les parents sympas qui habitent à la campagne (déjà vus dans ... euh .. dans d'autres films). Oui oui, vous voyez, la mère complice mais un peu inquiète, le père bourru mais attachant, qui habitent, en Provence, au milieu des oliviers, dans une grande maison qui sort tout droit de Du Côté de Chez Vous avec Leroy Merlin.
- Kad Merad. Eh oui, ça devient difficile de trouver des comédies populaires françaises sans Kad Merad. Ici, il campe un éditeur à la coiffure complètement improbable, viscéralement attaché à Paris et à la limite de la dépresssion. La dépression est d'ailleurs traitée ici (et comme souvent dans ces films légers) comme un bon sujet de rigolade. Ah un dépressif, qu'est-ce que c'est con, qu'est-ce que c'est drôle ! Dans le monde des comédies françaises, le dépressif est beaucoup plus proche du chauve ou du petit gros que du leucémique ou du trisomique. Mais passons. En tous cas, c'est Kad qui sort à un moment la phrase "J'en ai marre de la Normandie, je veux rentrer en France" qui m'a plutôt fait rigoler.
- Le week-end en Normandie (déjà vu dans les films de Sautet) avec ces scènes archi-convenues qui s'enchaînent paresseusement. La Mégane flambant neuve qui fait crisser ses pneus sur les graviers autour la grande maison aux volets fermés. La grande plage déserte où nos héros batifolent avec leurs gros pulls à col roulé, ambiance Produits Laitiers / La Redoute. Et enfin l'héroïne en colère qui claque "Je rentre à Paris". Car bien sûr il n'est pas question de passer plus d'une semaine (et plus de 10 minutes de film) hors de Paris : ce n'est pas concevable.
L'inévitable week-end en Normandie
Mais bon sang, à quoi pensent les scénaristes d'un tel film ? Nous prennent-ils à ce point pour des puceaux de cinéma ? Ou au contraire est-ce délibéré d'enchaîner ainsi tous ces clichés ? Il faut croire qu'il y a une volonté de rassurer le spectateur. On lui offre des scènes classiques, qui s'enchaînent sans surprise, on lui offre des gens qui n'ont aucun problème matériel (car évidemment, Alex, écrivain semi-raté de 35 ans, habite un appart haussmanien de 150 m2), on lui offre en prime Kad Merad qui va achever de le cocooner.
Au milieu de ce torrent de déjà-vu, une petite scène assez étrange surgit. Laetitia couche avec un collègue pour éprouver son amour pour Alex. Elle et son amant sont tout les deux allongés sur le lit, gênés, ne sachant pas comment commencer. Gauchement, il met la main sur sa poitrine. Elle demande "Qu'est-ce que tu fais ?", il répond "Je ne sais pas ...", elle "Tu me touches le sein", lui enchaîne "Effectivement. Qu'est-ce que tu ressens ?", elle "Rien". Cette scène décalée, irréelle, semble tout droit sortie de l'excellent "Un baiser s'il vous plaît" d'Emmanuel Mouret et est en fin de compte assez plaisante.
Et sinon, les acteurs principaux ? Jean-Paul Rouve est convaincant, drôle par nature. Je le découvre (je ne connais pas du tout les Robins des Bois) et apprécie son jeu décalé, surtout quand il reste minimaliste. Mélanie Doutey est atroce. Elle nous refait sa Clara Sheller, avec le côté looseuse "je me cogne dans les portes" en moins. Elle en devient une fille effroyablement antipathique, égoïste, méchante et dénuée de personnalité au point que la ressemblance avec Sophie Marceau en devient troublante.
Je me suis malgré tout amusé pendant ce film. Jean-Paul Rouve et Kad Merad m'ont souvent fait sourire voire rire. Certains gags visuels sont réussis (l'explosion du four à micro-ondes, la crème chantilly sous les lunettes (bon ok ! présenté ainsi, ça paraît crétin mais, comme on dit, il faut le voir)), les dialogues sont dans l'ensemble assez légers et parfois très drôles ("Qu'avez-vous pensé de mon livre ? " "Eh bien ... j'ai trouvé que c'était une grosse merde") et, ici ou là, le comique de situation fonctionne à plein (la scène à New York notamment).
Donc à la fin, je n'y comprends plus rien et je ne sais plus si j'ai aimé ou pas. Je ne sais même plus si j'ai passé un bon moment à le voir. Ce soir je dors chez toi est un de ces films qu'on aime bien détester et qu'on déteste bien aimer. Un de ces films qui, par leur trivialité exaspérante, sont un peu une énigme pour moi.